Qui était Charles le mariston* annamite, ce pancu* dont le destin voulut qu’il meure à 13 ans à La Seyne et soit enterré dans notre cimetière ?

A propos d’un monument funéraire au cimetière de La Seyne et de la tombe de la marquise Jeanne-Marie-Marguerite et de son fils Jean-« Charles » François-Claude Bertin de Rivière de la Souchère...

*Mariston : élève des Maristes* Pancu : en argot : pensionnaire (demipancu = demi pensionnaire)

« Nous apprenons avec regret le décès de : 

Jean-« Charles » François-Claude Bertin de Rivière de la Souchère, âgé de douze ans (13 en fait), fils de Mme Vve Charles Bertin Rivière de La Souchère, décédé à La Seyne-sur-Mer, le quatre novembre 1939, après une courte maladie. 

En cette douloureuse occasion, nous présentons à Mme de la Souchère et à sa famille nos condoléances profondément émues. »

L’Écho annamite, 6 novembre 1939.

Qui est cette Vve Charles Bertin Rivière de La Souchère née Jeanne-Marie-Marguerite BERTIN ?

Âgée de 23 ans, Janie Bertin, originaire de Normandie, débarque à Saigon le 15 décembre 1904, dans les bagages, selon les uns, d’un amiral, selon les autres, d’un fonctionnaire important de la colonie. C’est une jeune personne d’esprit aventureux, mais douée d’une énergie et d’une volonté de réussir peu communes. 

Mariée en 1906 à Charles Rivière de la Souchère (1876-1916) originaire de Marseille, devenu en 1905 Capitaine au long cours, affecté comme pilote de la rivière de Saïgon sur la ligne Cap Saint Jacques – Saigon.. Il était en section Philosophie à l’Institution Ste Marie (cf l’année 1892/93).

Le couple vit une vie mondaine, et participe notamment aux nombreuses fêtes données au Cercle des Officiers.

En 1909, lassée de cette vie festive, Mme de la Souchère propose à son mari de créer une plantation. Il finit par céder, connaissant la ténacité de sa femme. A une condition : que la plantation ne soit pas trop loin de Saigon, car ils ne possèdent pas de voiture. Le lieu de Long Thanh, à 55 km de Saigon, est choisi.

Mme de la Souchère

Les conditions de vie durant la phase de défrichage sont particulièrement difficiles. Logement spartiate, approvisionnement tous les 15 jours, présence du tigre, accès de fièvre. Habillée en homme, chaussée de hautes bottes, un large feutre l’abritant contre le soleil, elle exerçait son métier de planteur avec une surprenante autorité.

Parlant couramment l’annamite, s’intéressant à la vie de ses coolies, les soignant lorsqu’ils étaient blessés ou malades, elle savait tout obtenir de son personnel. 

en 1918 ou 1919, Charles mourut subitement, à Long Thanh… 

Jeanne, malgré toutes les difficultés accumulées (un incendie qui ruina 3 ans d’efforts, la guerre, les mutineries), fit prospérer son domaine. Son autorité n’a fait que croître en même temps que s’augmentait la plantation. 

Ses travailleurs l’appelaient « notre vénérée maman », ce qui constitue pour les Annamites un témoignage tout particulier de respect et d’admiration. 

Par arrêté du Gouverneur de la Cochinchine, ce village prendra le nom de « Bertin Rivière de la Souchère« .

1926 :

C’est l’apogée de l’exploitation :

Main-d’œuvre : locale, engagés d’Annam et du Tonkin, Chams, environ 800 coolies, 

dont 250 engagés et 300 Moïs et Chams ; le reste Cochinchinois.

Immeubles et installations : nombreux. Matériel agricole : tracteurs Latil, tracteurs Chenard et Walcker pour labour, charrues françaises, herses, cultivateurs Pilter, faucheuses mécaniques, charrettes.

Cheptel : 200 bœufs, vaches et veaux, 2 taureaux indiens pour la reproduction, 

chevaux pour le personnel européen et indigène.

Production : 1er semestre 1926 : 60 tonnes. Production 2e semestre 1926 (probable) : 80 tonnes.

Autres cultures de la plantation : caféiers, cocotiers, bananiers, rizière, herbe pour Ie bétail.

Capitaux investis dans la plantation : 1.000.000 de piastres. 

(Annuaire du syndicat des planteurs de caoutchouc de l’Indochine)

1927 : 

Introduction en bourse.

Janie prend un premier congé en métropole. Avant de partir, elle offre 12000 piastres et un terrain pour la construction d’une maternité. 

Elle emmène avec elle un enfant annamite de 6 ans, confié par une famille de notable. Elle l’adoptera plus tard à la demande de ses parents et lui donnera le nom de Charles Bertin Rivière de la Souchère (Jean-« Charles » François-Claude de la Souchère scolarisé à la Seyne sur Mer chez les Pères Maristes* de l’institution Ste Marie de La Seyne sur mer* comme tous ses frères. 

Lors de la Distribution des Prix du 11 juillet 1937 Charles décroche un 2° accessit en Histoire et Géographie, un accessit de Diligence, un d’Excellence, un de Langue italienne et, par voix de conséquence, le Prix des quatre accessits.

Voir ici : la vie à l’internat*

1930 :

La crise éclate. Les emprunts succèdent aux emprunts. C’est l’effondrement des cours, les banques exigent le remboursement des sommes dues et rachètent en dessous de la valeur réelle les plantations concernées. La Société des plantations d’hévéas de la Souchère est mise en liquidation depuis la clôture de l’exercice 1932. Son principal créancier, la Banque de l’Indochine, prit possession le 1er juillet des plantations qu’elle considérait comme son gage et qu’elle convoitait depuis longtemps.

1939 :

Son fils adoptif jean, 13 ans, meurt brusquement à la Seyne sur Mer, après « une courte maladie ».

Très affectée, elle règle ses affaires, confie sa plantation à William Bazé le directeur de la Société des Plantations d’hévéas de Xuan-Loc et rentre en France avec deux autres enfants adoptés, Marie Josée et Pierre, le frère naturel de Charles.

En juin 1940, elle est installée dans un petit château près de Saumur. Mme Bertin habite alors le château de la tour de Ménives à St Hilaire-St Florent dans le Maine et Loire. En 1942, elle part pour la France libre à Montauroux, dans le Var. Ses 3 enfants s’engagent dès le débarquement dans les campagnes de France, d’Allemagne et d’Indochine.

Elle ne retournera plus en Indochine malgré son désir. Après Dien Bien Phu, elle fera rapatrier les cendres de son mari en France.

Promue au grade d’officier de la légion d’honneur en 1952.

Elle sera toujours très attentive aux faits politiques de l’Indochine ainsi qu’à tout ce qui concerne l’adoption.

Elle termine sa vie à Grasse le 31 octobre 1963

Elle repose au cimetière de la Seyne sur Mer.

Bibliographie :

-Une femme planteur : Mme de la Souchère, la Princesse de l’hévéa http://belleindochine.free.fr/MmeSouchere.htm

-PLANTATIONS DE LA SOUCHÈRE, Long-thanh http://entreprises-coloniales.fr/…/La_Souchere_1910-1933.pdf

-ASSOCIATION (1941) DES PLANTEURS DE CAOUTCHOUC DE L’INDOCHINE www.entreprises-coloniales.fr/…/Syndicat-planteurs-caout.pdf

-PLUIE ROUGE : TITULAIRES CIVILS DE LA LÉGION D’HONNEUR EN INDOCHINE www.entreprises-coloniales.fr/…/Legion_honneur_1886-1944-IC…

-Recherche d’anciens élèves des Maristes, famille Rivière de la Souchère (période 1926-1945) http://jcautran.free.fr/forum/enseignement_et_ecoles.html#61

-Charles Jules Marie Henri RIVIERE de LA SOUCHÈRE https://gw.geneanet.org/jlmarques…

-The Spectacular Rise and Fall of Madame de la Souchère http://www.historicvietnam.com/madame-de-la-souchere/*

-L’Écho annamite, 6 novembre 1939.

-Le palais impérial http://dona-rodrigue.eklablog.fr/une-femme-planteur-mme-de-…

-Les Annales coloniales, 17 août 1922.

-François de Tessan, l’Asie qui s’éveille, 1923.

-Annuaire général de l’Indochine française, 1924.

-Annuaire du syndicat des planteurs de caoutchouc de l’Indochine, 1926.

-L’Illustration, 26 mars 1932 

-COLONISATION INDOCHINOISE par René VANLANDE

-L’Information d’Indochine, économique et financière, 2 novembre 1933

-Ainsi vint au monde… la S.I.P.H. (1905-1939) Arnaud de Vogüé

Amicale des anciens planteurs d’hévéas 28480 Vichères, 1993

Mise en forme par PdP pour La Seyne en 1900

in memoriam

6 comments

  1. Quelques remarques pour rétablir la vérité:
    Mme Bertin débarque comme de nombreuses aventurières à la recherche d’un époux dans les colonies. Pas de haut fonctionnaire ou n’importe quoi d’autre, elle était fille de fermiers normands.
    On lui donne le titre de « marquise »: j’aimerais bien savoir d’où sort cette fantaisie, son époux n’étant pas plus marquis que moi. Il n’y a jamais eu de titre nobiliaire dans sa famille, c’est une usurpation fréquente dans les colonies. Vous aurez bien de la peine à prouver ce titre!!!
    Les enfants adoptés après le décès de l’époux (non pas en Mer de Chine comme l’indiquent parfois les thuriféraires de cette aventurière, mais à l’hôpital de Saîgon) portent légalement le nom de leur mère adoptive soit Bertin. On y ajoute « dit de La Souchère ». Mais les descendants actuels portent de façon abusive le seul nom de « de La Souchère » auquel ils n’ont légalement aucun droit.

    1. Merci de votre aimable commentaire. Une lecture plus attentive et un tant soit peu bienveillante de mon article ainsi que quelques clics de souris vous donneront rapidement les réponses aux questions que vous posez, que personnellement je n’ai eu aucun mal à trouver en moins de deux minutes. Salutations.

      1. Je sais pertinement de quoi je parle et vous ne répondez pas vraiment à mes remarques: « dans les bagages de …..beaucoup de sous entendus…. Pour le titre de « marquise », d’où sort il?
        Salutations.

        1. Le titre remonte à Sébastien RIVIÈRE de LA SOUCHÈRE, Seigneur de La Souchère 1675-1750. Pour le reste, reportez-vous à l’article, à la photo du monument funéraire et aux sources citées. Si vous avez des éléments utiles à la mémoire de ces personnes, elles sont les bienvenues. Ajoutées récemment les notations de l’élève au collège des Maristes, ainsi que celles de son père adoptif en 1892/93…Salutations.

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