LA FÊTE PATRONALE, LOCALE ET TRADITIONNELLE DE LA SEYNE-SUR-MER (Magnifique texte de Louis Baudoin)

« Son importance dépassait ici toutes les autres. Occupant plusieurs journées (trois jours), elle est fixée au 2 du mois de juillet ou au dimanche qui suit cette date si cette dernière tombe un jour de semaine. Au point de vue religieux, elle est celle que l’Église appelle «la Visitation» en souvenir de la visite que fit, à sa cousine, Élisabeth, la mère du Christ, épisode de l’Écriture sainte qui est rappelé par le grand et beau tableau signé Aubert, daté de 1816, qui orne le fond du chœur de l’église paroissiale placée, elle-même, sous le vocable de Notre-Dame-de-Bon-Voyage.

Ici la visitation (D’Inspiration Mariono Albertinelli) tableau qui se trouve à Notre Dame du Mai*.

Nous ne prétendons pas apprendre aux Seynois d’un certain âge comment se déroulaient les trois journées de cette fête ; ils le savent aussi bien que nous, mais nous voulons cependant évoquer les aspects qui en ont disparu et dont le rappel serait susceptible de les intéresser ou d’en réveiller chez eux le souvenir.

Les festivités s’ouvraient la veille, le samedi soir, à neuf heures, à l’église paroissiale, par une cérémonie au cours de laquelle était entonné le cantique Salve Mater misericordiæ. C’était la municipalité qui faisait, au clergé local, la demande de célébration de cet office auquel elle assistait en corps et officiellement. Pour cette cérémonie, toutes les statues des saints et des saintes les plus honorés en terre seynoise étaient descendues de leurs socles habituels afin de former une haie d’honneur à la statue de Notre-Dame-de-Bon-Voyage, patronne et protectrice de la cité.

Alors le curé doyen, entouré d’un nombreux clergé et revêtu de ses plus beaux ornements, faisait précéder le chant du Salve de celui dit des Petites Vêpres, liturgie de circonstance où entrait l’Ave Maris Stella* (Salut Étoile de la Mer) qui était cher à bien des cœurs et qui, jadis, accompagnait les armes de la ville.

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Ave maris stellaDei Mater alma 
Salut, Étoile de la mer, Mère nourricière de Dieu

La belle cérémonie terminée, tout le monde descendait sur le port pour assister au cortège des autorités et des sociétés locales, portant leurs bannières, tandis que les musiques jouaient des airs joyeux et entraînants.

Les quais étaient noirs de peuple sous l’éclairage des édifices se reflétant dans les eaux de notre darse et, lorsqu’on connut le gaz de Lebon, on vit, sur l’hôtel de ville de 1847, des rampes de lumières ondulant gracieusement sous la brise légère de la nuit d’été. Éclairés par tant de feux, les bateaux se trouvant dans le port ajoutaient avec leurs hautes mâtures au décor de la scène ; les vapeurs venant de Toulon apportaient leur chargement de passagers sans arrêt.

Le lendemain, un dimanche, à dix heures du matin et après que les aubades traditionnelles eurent été rendues aux autorités et aux personnalités de la ville, avant la grand-messe, la statue de la mère de Dieu était portée processionnellement à travers les principales rues de La Seyne, suivie des saintes et des saints les plus honorés, escortés de leurs prieurs. L’itinéraire du cortège était le suivant : rue du Palais (Berny), rue de la Tête- Noire (Parmentier), les quais du port, la place Bourradet (Martel-Esprit), rue Saint- Pierre (Faidherbe), rue du Sac (Victor-Hugo), rues Saint-Roch (Denfert-Rochereau) et du Marché (de la République).

De temps à autre, on faisait une halte afin de permettre au clergé de bénir les maisons tandis que la foule chantait l’Ave Maris Stella et les litanies de la Vierge Marie. Ces cérémonies touchantes, témoignant du pieux attachement d’un peuple à ses traditions, seront supprimées à La Seyne vers les années 1880. Ces fêtes étaient fort suivies, surtout le dimanche, car ce jour-là, la population locale était grossie d’un grand nombre de personnes venues de Toulon et des villages environnants ; il en était de même lors de la soirée où était donné le feu d’artifice.

Qui ne se souvient de ces courses à l’aviron* des embarcations de la Marine dans le magnifique cadre de la rade ? Des équipes jeunes, vigoureuses, pleines d’ardeur et du désir de vaincre qui armaient les solides canots et les souples baleinières ? De leur réception, pour les prix, à la maison commune, de leurs discussions aussi et de leur fierté pour leurs bâtiments vainqueurs du tournoi? Quelle couleur, quelle vie! Spectacle sortant de la banalité des fêtes ordinaires et qui ne se rencontrait pas partout ; fréquemment, les honneurs principaux du triomphe étaient réservés au canot- major des « Vétérans » (marins de la Direction du Port) ou à celui de l’infanterie de marine, marins ou soldats robustes de carrière.

À ces mâles réjouissances, nous devons ajouter : — Les joutes provençales* où de solides « targaïres », protégés par un bouclier de liège ou de bois, debout sur la « tintaine », affrontaient leurs adversaires approchant sur leur bateau armé de huit rameurs ; — Les régates du Club nautique seynois* dont les évolutions étaient suivies par les initiés ; —Les concours divers* : de natation, de romances, de boules, de mât de cocagne, de courses des ânes, de la marmite, etc., sans oublier la foire dite « de la Lune »* avec ses attractions, ses musées ambulants, ses marchands de bonbons et ses jeux.

Comme partout, les bals* de Bourradet et de la Douane faisant tourbillonner une ardente jeunesse sous les regards des curieux. Les fêtes de La Seyne ont subsisté mais, pour des raisons d’économie sociale, leur durée a été réduite à deux journées ; certaines parties de l’ancien programme n’existent plus, y compris la course des embarcations de l’État, ce qui est regrettable, et d’autres y ont pris davantage d’ampleur, telles que celles des concours de boules, des courses de bicyclettes, des représentations de music-hall, des concerts, etc.

Certains progrès modernes, les plus grandes facilités de transport, la radio, la télévision, les attractions extérieures nombreuses ont diminué, pour beaucoup, l’intérêt des fêtes locales et celui de leurs distractions coutumières mais, par contre, d’autres y sont restés attachés car elles constituent toujours, à leurs yeux, des fêtes de famille, de maintien des traditions, de trêve bienfaisante dans le cours de leurs jours et de douces survenances à l’endroit du passé ».

Louis Baudoin

http://seynoise.free.fr/seyne_ancienne_et_moderne/chapitres_baudoin/annexe_1_fetes.pdf

6 comments

  1. On peut également citer la conférence faite aux Amis de La Seyne Ancienne et Moderne le 13 novembre 1917 : « Souvenir des belles fêtes de la ville au XXe siècle », par Jean-Claude Autran et Jean-Michel Jauffret. Texte dans Le Filet du Pêcheur, n° 145, décembre 2017 (http://jcautran.free.fr/archives_familiales/activites_depuis_2004/2017_conference_fetes_de_la_ville/texte_fetes_filet_du_pecheur.pdf) et diaporama de la conférence : http://jcautran.free.fr/archives_familiales/activites_depuis_2004/2017_conference_fetes_de_la_ville/fetes_de_la_ville.pdf

  2. Merci pour cet article exhaustif et très agréable à lire ! J’y ai retrouvé les quelques fêtes que j’ai voulu évoquer succinctement en les saucissonnant à partir de l’article de l’Illustration que vous connaissez (Letuaire et Charles Poncy). J’ai revécu mes retraites au flambeau et les auto-tamponneuses et même le bisou dans le cou ! Manquaient juste les pommes d’amour et le créponé de M. Soriano du Royal Glacier dont c’était la spécialité et qu’il fai(sai)t encore malgré son grand âge dans les réunions familiales…

  3. Ah les fêtes de la Seyne que j ‘ ai pu vivre et suivre et si bien retranscrites dans cette histoire qui rend hommage à nos anciens  » fêtards « et nos grands conteurs locaux. ..
    Conteurs car je lis entre les lignes beaucoup de tendresse, et non le simple exposé des faits…..
    J ‘ adorais voir les joutes et ce port noir de monde à une certaine époque, sans oublier ces retraites aux flambeaux qui me semblaient mystérieuses. Quant à la foire de la lune, s ‘ y perdre avec la grande bleue à côté, était le gage de nos rêves d ‘ ados…Merci pour cette lecture festive😍( je sais, facile….)

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