Henri Daniel (1850-1916) in extenso

Le docteur Henri Daniel est le deuxième des trois fils de Clément Daniel* le célèbre médecin seynois « Bienfaiteur de la ville » dont la biographie a été traitée par ailleurs et dont l’ancienne rue de l’Hôpital porte aujourd’hui le nom puisqu’il en fut le médecin chef bénévole (!) pendant 47 années, ayant eu à affronter quatre terribles épidémies cholériques durant sa carrière….

DESCENDANTS DE CLEMENT DANIEL (1810 – 1891)

De Mélanie Madeleine née LOMBARD (1826 – 1909) et de Clément DANIEL (1810 – 1891) naquirent trois enfants : -Hyacinthe 1846 – 19?? /- Henri 1850 – 1916 /- Paul Augustin 1852 – 19??

Docteur Henri DANIEL 1850 – 1916 Article de la revue l’Homéopathie Moderne
par le Dr P. Daniel, son fils 15 janvier 1936

Le docteur Henri DANIEL fut non pas un doctrinaire, mais un praticien; comme tel il fut un grand apôtre, il a mené le bon combat et prêché la croisade homéopathique par ses actes et le renom que lui dut la doctrine. S’il a laissé peu d’écrits, son oeuvre ne fut pas moins grande et il a été pour beaucoup dans le développement intense qu’a pris dans la région provençale le bon grain semé par ses prédécesseurs et en particulier par son maître Chargé*.
Belle figure de médecin dans la plus noble acception du mot, Henri Daniel venait au monde, à La Seyne dans le Var, le 1 août 1850 avec une hérédité médicale. Les origines de sa famille, une des plus anciennes du Var, descendant de la ville forte de Six-Fours, se retrouvent déjà dans les cartulaires de Saint Victor, le rapt d’un fils du comte Daniel de Six-Fours ayant été l’origine de la bataille de Malogineste qui, en 910, marqua le déclin de la domination des Sarrasins en Provence.
A vrai dire, si haut que monte sa filiation directe, jusqu’au début du seizième siècle, ses ancêtres furent surtout des marins de guerre et de commerce; son grand père Charles Hyacinthe, en particulier s’illustra comme commandant de l’Egérie pendant la bataille de Navarin. Il fut tour à tour corsaire, officier de la marine de l’état et enfin armateur; mais il avait épousé en 1794 Anne Henriette COMBAL de Béziers, et c’est avec elle que l’hérédité médicale entra dans la famille. Chez les COMBAL il y avait eu, en deux générations, 12 médecins, un frère d’Henriette fit la campagne de Russie comme chirurgien major et un de ses neveux fut le professeur COMBAL, de Montpellier, le médecin de l’empereur. (voir infra*)
Son père Clément fut le premier Daniel médecin. D’abord chirurgien de la marine, il navigua quelques années, puis il démissionna, épousa la fille d’un lieutenant de vaisseau et fit à La Seyne une belle carrière médicale. Il mourut à 81 ans d’une pneumonie contractée en sortant de l’hôpital. Il fut enterré aux frais de la ville qui le nomma son bienfaiteur, lui fit élever un tombeau et donna son nom à la rue de l’hôpital.
Henri, élève des Maristes de La Seyne, y collectionnait les accessits en fin d’année (en diligence, orthographe, analyse, histoire, et écriture dans les petites classes, et plus tard en Arts d’agrément, Marine et paysage, et figures de genre où il obtiendra le premier prix en 1866).

Il voulut d’abord entrer dans l’armée et fit la guerre de 1870 comme engagé volontaire au 5° Hussard, mais, sitôt la guerre finie, il abandonna la carrière des armes et combla enfin les désirs de son père en partant pour Montpellier faire sa médecine, il passa sa thèse, le 9 août 1876, sur « l’influence du traitement antisyphilitique sur la mère et le produit de la gestation ». Il revint alors à La Seyne où son père mit à sa disposition une des salles de l’hôpital; c’est là qu’il trouva sa voie.
Après quelques mois de travail sous l’égide de son père, il vit un jour revenir guéri, un malade qu’il avait traité en vain pendant longtemps, par les méthodes classiques, pour une dacryocystite rebelle. Ce malade sortait des mains du Dr Chargé* qui habitait alors Tamaris. Ce fut pour lui une révélation et il fit ainsi la connaissance de son maître. Après avoir longtemps travaillé avec lui, il alla sur son conseil s’installer à Marseille. Il fut suivi par la malédiction de son père qui, navré de voir son fils ainsi dévoyé et considérant sa conversion comme une apostasie lui ferma sa maison. Son père ne devait le revoir que quatre ans plus tard sur les instances de sa mère qui ne l’avait jamais abandonné et enfin désarmé par le succès d’Henri et sa réputation grandissante.
Son apostasie s’exprima surtout par son extraordinaire activité. Ce fut un grand praticien absorbé au plus haut point par une clientèle qui dépassait de beaucoup Marseille et la région provençale. Il était souvent appelé de très loin comme consultant te certains de ses clients ne pouvaient par ailleurs se passer de lui dans leurs déplacements les plus éloignés. Il est difficile de réaliser, actuellement, où nous avons à notre disposition tant de moyens de communications rapides, ce que devait représenter de fatigue une telle ubiquité alors que nos pères ne disposaient pas encore du téléphone et de l’automobile.

Il s’agit vraisemblablement du professeur Combal qui fait l’objet d’un article dans le dictionnaire biographique de Roman d’Amat, Librairie Letouzey et Ane, 1960 : « Combal (P.M.) Né dans une famille modeste à Lagrasse (Aude) le 24 octobre 1814. Il fit de très brillantes études médicales à Montpellier, fut interne à l’asile des aliénés puis à l’hôpital général, chef de clinique médicale à Saint Eloi. Il soutint sa thèse sur la fièvre typhoïde le 17 avril 1849, passa le concours de l’agrégation la même année (Des maladies spasmodiques; les comparer aux maladies avec lesquelles elles ont le plus d’affinité), fut médecin chef de l’hôpital général, professa la thérapeutique (1863), puis la clinique médicale (1873) à l’Ecole de Montpelier. Il mourut le 4 mars 1886. Il a connu une grande vogue de son temps, surtout dans les milieux ecclésiastiques et conservateurs »

Cette activité était une excellente propagande dans le grand public et aussi auprès des confrères officiels. Henri Daniel, en effet, fut un des précurseurs de la vulgarisation homéopathique dans le monde médical qui a maintenant son plein essor. Il le devait avant tout à sa valeur professionnelle. Ses confrères opposés tout en s’inclinant devant sa réputation, mais ne pouvant décemment reconnaître al vérité homéopathique, se contentaient de vanter la justesse de son diagnostic et de son sens clinique remarquable. D’autres qualités tirent beaucoup dans le même sens, sa modestie, en particulier. Sachant s’imposer suffisamment par ailleurs, il évitait, par une morgue inopportune, de froisser qui que ce soit et sans jamais abdiquer l’expression de ce qu’il pensait être bien et juste, il se contentait de l’affirmer avec une ténacité tranquille et aimable. La distinction innée de ses manières et son aménité lui avait ainsi attiré une clientèle que lui avaient maintenu ensuite son savoir et son dévouement. Cette clientèle était faite des plus hautes notabilités locales et françaises et, cependant, il préférait celle des humbles. C’est toujours à eux qu’allaient ses préférences. Il le disait souvent, et jamais les malheureux ne frappaient en vain à sa porte. Son dispensaire gratuit lui prenait beaucoup de temps, car il y avait toujours une grande affluence. Jamais cependant il ne consentit à l’abandonner malgré les surcharges qu’il représentait pour lui. Cette bonté se reflétait sur sa belle et noble physionomie dont les traits fins exprimaient une âme d’élite.
Il épousa le 23 août 1884 la fille d’un grand propriétaire de Hyères, qui était artiste peintre, Sabine GARCIN née le 21 janvier 1859 et décédée le 1 septembre 1936. Il eut d’elle sept enfants et il tint avant tout à passer le drapeau homéopathique à son fils aîné dont il chercha à perfectionner autant qu’il put l’éducation médicale.
En excellent homéopathe qu’il était, il savait que le fondement de toute la pratique est la maîtrise médicale et il la possédait admirablement. Aussi éloigné que possible de l’esprit du formulaire, sa haute culture qu’il avait puisée aux sources les plus hahnemanniennes lui permettait de considérer uniquement les indications pathogénésiques. Il se cantonnait cependant dans les dilutions excessivement basses et je ne l’ai jamais vu en prescrire au dessus de la 30°. Il utilisait aussi, comme l’ont rappelé ces dernières années quelques uns d’entre nous, le mode d’introduction externe sous forme de pommades excipients du médicament similimum.
Sa fin prématurée ne lui a pas laissé le temps de réunir comme il se préparait à le faire, en abandonnant une partie de sa clientèle, le résumé de son expérience clinique. Nous avons seulement de lui un petit ouvrage de vulgarisation, qu’il avait intitulé « L’Homéopathie » destiné à répondre aux détracteurs systématiques qui l’entouraient, des articles dans « L’Art médical », dans « Le Propagateur », des communiqués aux divers congrès, en particulier aux congrès internationaux homéopathiques de Paris en 1889 et 1900 (Vice Président du congrès de Paris 1900, il eut à présider les dernières séances en remplacement de Pierre Jousset, empêché), des notes sur l’action homéopathique des eaux de Lamalou, en particulier dans le tabès, une étude sur l’action homéopathique des eaux de Brides, un travail sur le cancer en discussion avec le docteur Nebel à la réunion de la Société Homéopathique du Sud-Est de la France et de la Suisse romande d’avril 1912 à Marseille qu’il présidait.

Président d’honneur de la Société Homéopathique du Sud-Est, future « Rhodanienne », il aimait aussi à se dire le parrain du « Propagateur », dont il avait suggéré le titre à Jules Gallavardin, rencontré pour la première fois au congrès de Lucerne.
Il avait amené à la doctrine de nombreux confrères sur lesquels il se déchargeait des malades qu’il ne pouvait arriver à suivre complètement lui-même, entre autres Espanet, dont il a fait un bel éloge nécrologique, Fayol, Baissade, lui doivent leur formation homéopathique.
Sa vie fut malheureusement écourtée par son surmenage: les premières atteintes d’une myocardite qui s’était manifestée par des crises répétées d’angine de poitrine dès 1908, l’avaient forcé de rappeler près de lui, pour lui passer son héritage médical, son fils Pierre qui poursuivait ses études à Paris et obligé à diminuer son activité. Il fut très douloureusement éprouvé par la guerre, l’homme de grand coeur, qu’il était, fut particulièrement sensible aux angoisses patriotiques de 1914. Il donnait en même temps à l’armée 2 fils et 2 gendres, qui partirent au front dès les premiers jours. Son plus jeune fils, Max, fut tué à l’assaut en août 1914 dans une reconnaissance avancée en terre allemande, et la terrible incertitude, dans laquelle il resta longtemps sur son sort, contribua beaucoup à hâter sa fin. Il s’imposa, pour secourir de nombreux malades sans médecin, des fatigues physiques qu’il ne pouvait plus supporter et qui, s’ajoutant à sa douleur, provoquèrent une recrudescence nouvelle de la maladie qui l’emporta le 7 juillet 1916, à 66 ans, après qu’il eut prodigué ses dernières forces à ses malades, dans le grand calme que lui donnaient enfin ses sentiments très chrétiens et sa vie noblement remplie.
Il laissait derrière lui le souvenir d’un grand homéopathe, d’un parfait homme de bien, d’une grande conscience et d’un beau caractère.

De Sabine GARCIN (1858 – 1936) et de Pierre Jules Henri DANIEL (1850 – 1916) naquirent sept enfants :

Pierre Joseph Marie est né le 27 février 1885 et est mort en 1970 (en 1916 était aide major, c-à-d médecin, au 6° régiment de Hussard). Il soutint sa thèse à Paris, en 1910, sur le thème suivant « Colloïdes et eaux minérales. Du mode d’action des eaux minérales ». Il a épousé Geneviève GIMMIG. C’était un médecin homéopathe renommé puisqu’il allait soigner des malades jusqu’à Lyon
dont sont nés Jean (Docteur en médecine), André et Françoise.
Jean (Pons) Marius, né à Marseille le 15 février 1886, mort en bas âge, à 41 mois, à La Seyne le 7 avril 1888.
Marie Madeleine née à Marseille le 29 mars 1888 qui a épousé Marcel GIMMIG (un agent de change) dont sont nés Sabine, Jacques, Robert et Max.
Reine Charlotte Alphonsine née à Marseille le 4 janvier 1890 qui a épousé Edmond WATTEL, capitaine écuyer à Saumur lors de son mariage, (en 1916 il servait au 13° régiment de Dragons), devenu général de division, Officier de la légion d’honneur et Croix de guerre
dont Geneviève, Suzanne et Gérard
Marie Pierre née le 2 février 1892 à Marseille, en religion Mère Marie Reine, religieuse Auxiliatrice du Purgatoire, morte à Rome le 20avril 1939.
Maxence (ou Maxime) Marie Pierre, né le 27 novembre 1894 Marseille, caporal au 55° régiment d’infanterie, mort au champ d’honneur le 20 août 1914 à la bataille de Lorraine, à Vergaville (Meurthe et Moselle), son unité appartenait au célèbre XV° Corps (55° R I 30° Brigade), calomnié par des politiciens sans scrupule (voir Annexe XVI); le bulletin de 1915 de l’Amicale des Anciens de l’Institution Sainte Marie décrit les circonstances de sa mort en ces termes : « Max Daniel était engagé volontaire au 55° Régiment d’Infanterie à Aix.
Il était caporal lorsque, le 4 août 1914, il partit pour le front. Le 20 du même mois, il se trouve à Vergaville, près de Dieuze (Meurthe, arrondissement de Château Salins, canton de Dieuze). Sa section exécutait des feux de salve contre un fort détachement allemand et le maintenait à distance. Son sergent étant tombé, il prit vaillament le commandement de la petite troupe.
Se voyant cerné, il commande, comme à la manoeuvre : « Demi tour. et feu à volonté .» puis il tomba sous les balles ennemies, avec courage et sang-froid.
Lorsque le lieutenant Verlus, jugeant que la position n’était plus tenable, ordonna aux hommes qui restaient de se retirer un à un pour donner moins de prise à l’ennemi, la plupart ne bougèrent pas. Il fit alors l’appel. Cinq répondirent – ils étaient partis cinquante.
La veille de l’action, le jeune Max, après une journée de surmenage, avait écrit à ses parents une lettre pleine de courage et d’entrain, leur disant d’avoir confiance, qu’il connaissait son devoir de chrétien et de Français el qu’il saurait le remplir. Il a tenu parole « .
Henri prêtre (jésuite) 1903-1938, ordonné à Lyon le 26 août 1935, et dont le décès accidentel, au cours d’un camp scout au lac d’Allos, au cours de l’été 1938, a été décrit en ces termes par son supérieur:
« Vous avez eu, je suppose, quelques détails sur la mort de notre regretté Père Henri. L’on vous aura dit comment, parti pour prendre un bain, il n’avait pas reparu trois heures après, comment quelques scouts l’ont retrouvé au fond de l’eau, tout près du bord; comment aucun soin n’a pu le ramener à la vie; une congestion l’avait frappé; comment ils ont dû le rapporter au camp sur leurs épaules. Son souvenir demeurera et le bien qu’il leur avait fait ne passera point. Vous me parlez de son image d’ordination. Avez vous remarqué ce décor, ce lac, ces scouts et dans le lac cet ilot? L’on dirait qu’il voyait les lieux. Il a, en particulier, été vu une dernière fois par des pêcheurs installés dans le voisinage, sur un petit bout d’ile où il reprenait souffle. Ce qui est plus émouvant et manifeste les intentions de la Providence, c’est d’abord, qu’il a été appelé le jour de sa fête et aussi que, le matin, il avait parlé à nos garçons sur le texte, d’ailleurs, fourni par l’évangile du jour : «estote parati »Soyez prêts. De plus on a remarqué que, contrairement à ses habitudes il avait anticipé la récitation du bréviaire du lendemain. Enfin, la veille, il avait longuement entretenu un de ses neveux, parlé avec lui du passé comme il ne l’avait jamais fait, raconté l’histoire de sa vocation. Autant de détails permis de Dieu pour la consolation des siens. »