Qui était messire Michel Tortel, ce gentilhomme provençal, Officier de marine, dit « de Ramatuelle » ou parfois même « comte de Ramatuelle » ?

Michel était le fils d’André, issu d’une des premières familles établies à la Seyne. Les Tortel* exerçaient de nombreux métiers liés à la mer : officiers du roi, capitaines marchands, constructeurs navals, charpentiers de marine.

On sait que Michel en 1615 était déjà capitaine des vaisseaux du Roi. Il était particulièrement riche, sa fortune, acquise ou consolidée, lui venait de son commerce maritime entre autres ressources ; il recevait 3% du bénéfice de tous les bâtiments et barques du Terroir (3 400 livres en 1629 par ex), ce qui lui était d’un énorme rapport.

Il sera plus tardivement « sieur de Ramatuelle » et propriétaire du domaine de l’ Evescat.

Michel de Tortel eut une influence déterminante pour La Seyne :  en finançant l’édification du couvent des Capucins en 1621, en rachetant en 1630 aux abbés de St-Victor une vaste zone côtière qui deviendra un bourg (puis la commune de la seine en 1657). Avec Joseph BEAUSSIER, Notable il fut le premier co-administrateur du bourg dépendant de Six-Fours pendant 4 ans de 1631 à 1635.

Michel Tortel épousa Christine Vicard, la soeur d’Espérit Vicard mari d’ Honorée B(e)aussier et père d’André le capucin connu sous le nom d' »Henri de La Seyne » (voir Les seynois qui se firent Capucins*).

En 1615

Messire Michel Tortel est capitaine des vaisseaux du roi. Il fait campagne dans le Bosphore, contracte « les fièvres » (la peste) dans la ville de Constantinople au commencement du mois de septembre 1618, en guérit miraculeusement après avoir reçu le Saint Viatique et le sacrement d’extrême onction, et en rendit grâces à Dieu et à Saint-François (auquel il avait une particulière dévotion) dans l’église des capucins de la ville (les révérends pères de l’observance probablement à Galata). À son retour, il fit don (selon son vœu que s’il relevait de cette maladie il bâtirait en terre de Tortel dans son pays natal une chapelle et un monastère en l’honneur de St François d’Assise) de trois mille piastres (monnaie d’ Espagne) à remettre aux religieux capucins d’Aix-en-Provence, avec l’accord de l’abbé commendataire (le dignitaire séculier de l’église ayant reçu du pape la charge et le bénéfice de l’abbaye sans être moine), le seigneur-abbé de Saint-Victor.

En 1621

Le Couvent des Capucins, construit sur la propriété familiale et sur plusieurs parcelles en haut du Cours rachetées à divers membres de la famille Beaussier, fut fondé officiellement le mardi de Pâques 13 avril 1621, par acte passé au greffe épiscopal de la ville de Toulon, devant monseigneur l’évêque de ladite ville (Monseigneur Gilles de Sceptris évêque de Toulon de 1599 à 1626), avec la permission de l’abbé de Saint-Victor, Robert de Frangipani.

Une fois le couvent et sa chapelle terminés, le 8 décembre 1621, quarante Franciscains ayant à leur tête le R. P. Bernardin d’Apt prirent possession de cette demeure qu’ils allaient, eux et leurs successeurs, occuper pendant près de deux siècles.

avant 1622 

Michel Tortel, sieur de Ramatuelle, propriétaire à Six-Fours, avec d’autres particuliers, réalise plusieurs transactions avec le seigneur-abbé Robert de Frangipani, 11ème abbé commendataire de Saint Victor de Marseille, qui occupe cette charge de 1585 à 1622.

Robert de Frangipani était de famille patricienne romaine, clerc du diocèse de Rome, neveu de l’archevêque d’Aix Julien de Médicis qui lui céda au XVIe siècle, l’importante abbaye de Saint-Victor-lez-Marseille (par autorisation royale du 19 juillet 1584 et bulles pontificales du 1er juin 1585). Ainsi investi de cette haute dignité, Robert de Frangipani devint seigneur temporel et spirituel de Six-Fours et de La Seyne ; il est considéré comme le principal artisan de l’érection de La Seyne en commune indépendante en 1657 par la séparation de La Seyne d’avec Six-Fours (bien qu’il n’en fut plus le seigneur abbé depuis 1622) : pendant sa charge à St Victor il a à son actif :

  • l’autorisation d’édifier la chapelle de Notre-Dame de Bon Voyage en 1603 et l’installation d’un premier cimetière établi contre elle.
  • l’autorisation après procès du premier four à pain en 1608. (Lesdits de la Seyne paieront au profit de la communauté de Six-Fours, un droit de tout le pain qu’on ferait cuire au dit four, ou autres qu’ils feront construire à raison d’un pain de (sur) cent, franc à la communauté de toute charge et imposition de droit pour être, le prix en provenant, employé aux réparations et (à la) décoration dudit lieu, sans pouvoir être employé à autre usage)

En 1625

Michel Tortel intervient sur un problème interne au couvent depuis sa fondation : les Constitutions des Capucins leur interdisaient par principe de confesser les séculiers au Couvent. La question fut portée devant le Chapitre Général de 1625, où le 2 Juin, elle fut réglée par le P. Jean-Marie de Noto, Général, qui rendit un Décret autorisant ce Ministère, que désiraient fort les Fidèles, décret confirmé par les Congrégations Romaines .

En 1630

Ce fut par un acte, en date du 5 septembre 1630, que l’abbaye de Saint-Victor, le comte de Moret en étant le douzième abbé commendataire, vendit à Michel Tortel, sieur de Ramatuelle, propriétaire dans le pays, une partie de ces régales maritimes (l’équivalent du domaine public maritime de nos jours) qui se trouvaient comprises entre les quartiers actuels de Mouissèque et de Brégaillon sur lesquelles seront édifiées les maisons qui constitueront la future ville de La Seyne, au pied des premiers hameaux de Beaussier et de Tortel après le comblage des marécages par les successeurs de Michel Tortel, et d’autres, tels les Daniel les Hou et les Vidal.

Toutefois, le comte de Moret le seigneur-abbé se réserva le môle de « La Sagno » qui s’allongeait en direction de la mer, avec une bande de 10 pans de largeur, le long de ce môle, afin de rendre ce dernier plus spacieux

 (Les successeurs de Michel Tortel, qui avaient cédé les terres acquises à d’autres particuliers, les sieurs Hou, Daniel et Vidal, effectuèrent des travaux de comblement jusqu’à la limite de la mer afin de rendre les terrains gagnés sur elle en état de recevoir des édifices. Ils en vendirent ou en cédèrent, eux-mêmes, des parcelles qui ne tardèrent pas à voir s’élever les premiers immeubles dans le voisinage du port. C’est ainsi que commença à se former le premier visage de notre ville. Ces opérations de comblement des régales donnèrent lieu, plus tard(en 1645), à des procès avec les Consuls de Six-Fours qui prétendaient que les comblements avaient été faits au-delà des bornes du rivage et qu’ils avaient empiété sur le territoire voisin. À leur tour, les tenanciers des anciennes régales, les sieurs Lauret et Joseph Daniel, se plaignirent que les propriétaires des fonds voisins avaient pénétré sur leurs terres. Un jugement de la Cour du Parlement, au XVIIIe siècle, débouta les édiles de Six-Fours de leurs plaintes et déclara que les particuliers du lieu de la seine étaient en droit de poursuivre les dits comblements et de continuer à y faire construire des maisons).

En 1631

Michel Tortel et Joseph BEAUSSIER, Notable furent les deux premiers co-administrateurs du bourg dépendant de Six-Fours pendant 4 ans de 1631 à 1635.

Toujours sous l’autorité du vicaire général et procureur de monseigneur le comte de Moret, le seigneur de l’ abbaye de Saint-Victor (de 1622 à 1632), Michel de Tortel obtint l’autorisation des premiers étals de boucherie (accordée par lettres patentes aux habitants de la Sagno par Louis XIII) contre une compensation financière (15 00 livres)à la communauté de Six-Fours suite à un procès qui fut intenté par les consuls et communautés de Six-Fours, contre les habitants de la Seyne.

En 1639

La première halle aux poissons* est construite rue de la Poissonnerie qui deviendra la rue « du pavé d’amour », actuelle rue République (elle sera déplacée de quelques mètres en 1859), le seigneur abbé étant un cardinal de Richelieu, le frère du ministre de Louis XIII. Mais l’administration reste encore le privilège du conseil siégeant à Six Fours, pourtant désormais moins peuplée.

En 1657

Ce n’est qu’en 1657 que La Seyne accède au statut de commune indépendante, elle compte alors un millier d’habitants dont un tiers vivant du commerce maritime », Mazarin étant l’abbé de St Victor (de 1653 à 1661).

En 1658

1er février 1658 : Le Roi Louis XIV, par acte royal accorde son indépendance à La Seyne, citant son « très cher et très aimé Cousin et Cardinal Mazarin, Pair de France, Duc de Mayenne, abbé de l’Abbaye de Saint-Victor-les-Marseille.

Robert de Frangipani, bon ouvrier de l’œuvre, ne verra pas l’heureux avènement car, en 1657, le seigneur spirituel et temporel de Six-Fours-La Seyne est Mazarin principal ministre d’état de Louis XIII puis de Louis XIV à la suite de Richelieu et successeur en tant qu’abbé de St Victor (de 1653 à 1661) au cardinal frère de Richelieu.

Mazarin était très favorable à la création de cette commune à titre personnel, car avec deux communautés à la place d’une, il allait percevoir des rentes et des cens supplémentaires.

En 1669

LA VIE D’UN MONASTERE (Annales de Marseille citées par Pierre Dubois dans « Les Capucins varois à La Seyne sur Mer »)

L’Evescat¨ : En 1656, Louis Daniel Seigneur des terres de Lérys, conseiller et secrétaire du roi, gouverneur de La Seyne sous Louis XIV, y fonda sous le vocable de « Saint-Louis« , une chapelle auprès d’un ancien prieuré. 

En 1694 les évêques de Toulon achetent la chapelle, agrandissent les établissements et en font un véritable domaine. Ils viendront s’y reposer. Vendu comme bien national sous la révolution le domaine St Louis connaitra plusieurs propriétaires successifs dont les Pézenas de Bernardy (c’est pourquoi Rose repose au cimetière de La Seyne*)

Mais en fait le Sieur de Ramatuelle est décédé en 1646 si l’on en croit Théotime de Saint-Just, Père, lecteur émérite en théologie qui évoque la fin tragique du fondateur du couvent :  

Le 18 avril 1646, Michel Tortel se trouvait avec son navire au large de la côte génoise devant Finale Ligure, entre Albenga et Savone. Cette place appartenait au roi d’Espagne, contre qui la France était en guerre (guerre de 30 ans). Son navire, chargé de riz et autres marchandises, manœuvrant lourdement, fut rattrapé par deux frégates espagnoles; luttant courageusement pour défendre sa liberté et ses biens, Tortel fut frappé de + de 25 coups d’épée et de dague. Transporté à terre encore vivant, il demanda des Capucins pour le préparer à la mort. Les religieux du couvent de Finale accoururent aussitôt, lui administrèrent les sacrements et l’assistèrent jusqu’à la fin qui n’eut lieu que six heures après. Il fut enterré devant la Chapelle des Capucins de Finale.

Annales d’Aix Les Capucins de l’ancienne province de Lyon (1575-1660) T1.

Quant à la seigneurie de Ramatuelle : en 1689 Les Audibert originaires d’Auriol sont devenus Sieurs de Ramatuelle quand Henry d’Audibert achète la terre de Ramatuelle, (avec le titre de Sieur de Ramatuelle attaché au propriétaire) possiblement au dernier Tortel Sieur de Ramatuelle, qui lui a vendu la terre. Son fils François d’Audibert de Ramatuelle (1682 – 1773), sieur de Ramatuelle, fut le propriétaire de Castel Gombert au début du XVIIIème siècle.

Sources

Henri Ribot :

  • Frangipani, Mazarin, leur influence sur la création de La Seyne (Regards sur l’histoire de La Seyne-sur-Mer, Six-Fours et Saint-Mandrier n°16)
  • ephemeridesribot.com

Le manuscrit de Maître Jean Denans

laseyne.info/pdf/Caleta_Tortel

JC Autran :

  • jcautran.free.fr/oeuvres/tome8/origine_quartiers
  • jcautran.free.fr/rues/lexique_rues

« Quelques Seynois méconnus » Lucien PROVENÇAL Le filet du pêcheur N° 127

HISTOIRE DE LA COMMUNE DE LA SEYNE-SUR-MER Louis Baudoin

Annales de Marseille citées par Pierre Dubois dans « Les Capucins varois à La Seyne sur Mer ») LA VIE D’UN MONASTERE

Annales d’Aix Les Capucins de l’ancienne province de Lyon (1575-1660) T1.
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