« Par les après-midi des dimanches d’été, lorsque la canicule arde, Toulon, avec ses rues désertes, ses magasins fermés, ressemble à une ville morte. Et, fuyant la vue odieuse des remparts qui obsèdent, enserrent, étouffent, on va vers les horizons larges, les visions claires, les paysages tout rafraîchis de brise, vers la mer, joie des baigneurs, vers la mer, berceuse des rêves…..

Et ce sont les Tamaris, les Sablettes… Un vapeur vous y mène. Sur le port au bas de la petite rue Méridienne, se trouve l’embarcadère .. C’est l’heure du départ ; la cloche du bord tinte. Les galeries se parent d’une joyeuse floraison de robes claires et onduleuses …. Et les amarres sont larguées. Les flancs du navire tressaillent, la machine trépide, l’hélice tournoie soulevant des remous d’écume. Sous l’étrave s’ébouriffe une moustache d’argent, une fine guipure entoure la coque, à l’arrière s’attache un catogan neigeux, et la cheminée haute s’empanache d’un plumet de jais qui balaye les eaux de son ombre mouvante…Déjà les quais sont loin…« 


Toulon pittoresque : Tamaris, Les Sablettes / A. Paul 1901

La traversée

« Mignonne, si demain à la faveur d’un temps clément nous allions nous divertir aux Sablettes ? Nous partirions du quai de Cronstadt, après avoir présenté nos civilités au marquis de Cuverville*, sur le bateau à vapeur pour aller admirer les intrépides baigneuses et baigneurs devant le Grand Hôtel des Sablettes* puis nous siroterions un vermouth ou une absinthe au Casino des Sablettes* avant d’aller y risquer quelques jetons. Ensuite nous irions déguster la bouillabaisse du père Louis*, cet établissement quAlphonse Allais avait surnommé « Notre-Dame de la Bouillabaisse » ou bien leurs filets de sole Marguery, ou encore les langoustes à l’américaine du restaurant du Manteau …

J’ai ouï dire que l’après-midi la troupe Sylvain qui inaugure le théâtre de la Nature* donnera Electre, la nouvelle création de Louise Sylvain. Enfin nous reprendrions le ferry boat pour Toulon…

Qu’en dites-vous ma douce amie ? »

PdP : « A la manière de » (juin 1908)

Puis on entre dans la baie de Tamaris, en doublant la tour de Balaguier, vieux fortin du XVIIe siècle, aimable antiquité militaire, conservé comme un objet d’art, pour la joie du décor….

« Et, brusquement, au tournant de cette pointe, le paysage change. C’est comme le coup de baguette magique d’une féerie. A vos yeux, tout le petit golfe s’étale, abrité par les collines éternellement vertes du Lazaret, de Tamaris qui reflètent, dans l’azur liquide, l’image renversée de leurs contours. Au sud, s’allonge à fleur d’eau, l’étroite bande de sable de l’isthme des Sablettes. Au-delà, émerge la double pyramide des « Freirets ». Et, sur l’horizon, d’une douceur lumineuse, se dessine l’imposante silhouette du cap Sicié, du célèbre cap Cithariste, consacré, dans l’antiquité, à Apollon, joueur de lyre.

Toute cette péninsule s’étend paresseusement au soleil, se pâme sous ses chaudes caresses, tel un beau félin, au poil souple, l’oeil mourant, dans une pose de langoureux abandon »...

Toulon pittoresque : Tamaris, Les Sablettes / A. Paul 1901

La trousse d’urgence embarquée

En ouvrant ce coffre en bois, on en comprend son usage en déchiffrant cette étiquette qui décline toutes les médications utiles sur un steam-boat, en l’occurence ici « Le Manteau ». À l’évocation de l’alcool de menthe comment résister à un voyage dans le temps ?…

« La traversée Toulon Sablettes-les-bains s’avéra mouvementée à cause de ce méchant Mistral qui tourmente souvent les eaux de la rade.

Par bonheur un brave batelier de notre steam-Boat « Le Manteau » me proposa de l’alcool de menthe qu’il avait dans le coffre à pharmacie du bord.

A peine avions-nous accosté à cet appontement du Manteau, venant des Sablettes, que déjà les langoustes s’invitaient dans nos assiettes, dans ce merveilleux établissement où se presse toute la bourgeoisie des environs et de villégiature.

Plus tard, après le concert pendant lequel une cantatrice nous interpréta l’air de Mignon à la mode (« Connais-tu le pays où fleurit l’oranger »), nous continuâmes de nous divertir quelque pas plus loin dans ce petit théâtre de verdure fort justement nommé « Théâtre de la Nature *» dont l’entrée se trouve près du fort de Balaguier*… »

PdP : « A la manière de » (juin 1908)

1861 :

« Dans vingt minutes on effectue la plus délicieuse des traversées ».

George Sand laseyneen1900.fr/2023/05/25/george-sand-a-tamaris/*

1873 :

« La compagnie des Bateaux à vapeur La Seyne–Toulon vit le jour en 1873. Elle profita des progrès et des compétences des chantiers pour faire construire un grand nombre de bateaux à coque métallique pour environ 350 passagers : L’Abeille, L’Hirondelle, puis en 1888 les premiers bateaux à coque métallique pour environ 350 passagers : l’Alcyon, l’Hirondelle, L’Union, La Mouche, Le Favori I (type Steamboat), Le Cygne, Le Dauphin, La Mouette, Le Lagane, L’Albatros et le Favori II sans oublier l’Etoile du Matin, un deux mats goélette construit par les chantiers Curet à la Seyne. Le Favori fut construit en 1928, il mesurait 25,5 m sur 5,65 m pour un tirant de 1,55 m. Il fut le seul à avoir le poste de pilotage à l’avant.. Ces bateaux assurèrent la traversée à des milliers de voyageurs jusqu’au 18 novembre 1938. La concurrence de la route, autobus, tramways, et la hausse du charbon, entraîna le déclin des traversées. Ces bâtiment reprirent néanmoins du service pendant la guerre ».  Ephémérides Henri Ribot

Ici les états de service d’un chef mécanicien sur les « ferry boâtes » de la compagnie Tamaris-St mandrier

Société des Bateaux à Vapeur LA SEYNE TOULON SBVST

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Sources

Correspondant local PdP

Ephémérides Henri Ribot

George Sand

Toulon pittoresque : Tamaris, Les Sablettes / A. Paul 1901

Coll. privée

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