« A Toulon, la nuit du 10 au 11 décembre 1901, vers une heure du matin, une jolie fille de 24 ans, Maria-Antonia Blanchon, épouse Van Brusselin, demeurant 59, rue Nationale, cherche fortune à la Taverne alsacienne, boulevard de Strasbourg ».

La Taverne Alsacienne

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« Elle entre en conversation avec un consommateur au rude visage barré par une moustache tombante ».

« Il a l’air d’être dans les meilleurs termes avec deux clients de la Taverne alsacienne que Maria-Antonia connait de vue depuis longtemps: M. Adrien Ourson, artiste peintre, à Besse, et M. Gilly, ancien vétérinaire de l’armée, maire de Besse qui, venus à Toulon afin d’assister une représentation théâtrale, attendaient l’heure du dernler train pour regagner leur village. L’homme à la moustache tombante invite Maria Van Brusselin à boire un verre à la table où il devise gaiement avec les deux habitants de Besse. Maria accepte. Bientôt, M. Ourson et M. Gilly se lèvent, prennent congé et, avec un sourire entendu, laissent leur compagnon d’un moment en tête-a-tête avec sa « conquête »…

Le lendemain matin, bien qu’elle ait passé la nuit, dans sa chambre de la rue Nationale, avec l’homme à la moustache tombante, Maria Van Brusselin est toujours vivante ».

« Dans l’après-midi, on peut même la voir, au bras de son ami d’une nuit, s’embarquer pour une excursion d’amoureux sur le bateau qui fait la brève et poétique traversée de Toulon à Tamaris* ».

« Vers six heures du soir, on pourra encore voir Maria-Antonia diner avec son galant, dans une auberge de Tamaris*. Le diner terminé, la servante de l’auberge entendra l’homme à la moustache tombante proposer à sa compagne une promenade sentimentale dans la campagne. Et cette même servante verra ses deux clients partir, dans la nuit glacée, sur l’avenue de la Rouv(r)e…« 

DECOUVERTE MACABRE

« La nuit du 11 décembre, la fille Marie Antonia Van Brusselin quitte, au bras d’un soupirant à moustache tombante, avec lequel elle a déjà passé la nuit précédente, une auberge de Tamaris, près de Toulon, où elle a diné avec son compagnon.

Le matin du 12 décembre 1901, des passants découvrent étendue dans un fossé de l’avenue de la Rouv(r)e, a Tamaris, le cadavre d’une jeune et jolie femme, portant une affreuse blessure à la gorge – l’artère carotide tranchée ! et une blessure au dos. Les poches de la morte, sont vides. Aucun bijou sur elle. Nulle trace de lutte, La malheureuse a été frappée par derrière et la mort a dû être foudroyante. Près du corps, on trouve l’arme du crime :un couteau long de 26 cms, large de 3 et demi.

Avenue de la Rouve

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L’identité de la morte est vite établie : c’est Maria- Antonia Blanchon, femme Van Brusselin. Sa promenade sentimentale avec l’homme à la moustache tombante n’aura pas été longue…

La police se rend immédiatement dans la chambre de la pauvre Maria, 59, rue Nationale. Elle y trouve dans le plus grand désordre les tiroirs de l’armoire à glace, ouverte. Deux écrins sont vides. L’assassin, après avoir, avenue de la Rouv(r)e, dépouillé sa victime des bijoux et de l’argent qu’elle avait sur elle, et s’être emparé de son trousseau de clefs, était venu, 50, rue Nationale, compléter son butin… La Sûreté toulonnaise recherche activement l’homme à la moustache tombante qui a été vu, à la Taverne Alsacienne, puis sur le bateau et à l’auberge de Tamaris, avec Maria-Antonia, Les efforts des policiers demeurent vains ». 

France Soir 16/09/1953 : LE CRIME NE PAIE PAS.
Récit de Paul Gordeaux

La fin tragique d’Antonia Blanchon à TAMARIS

Marie-Antonia BLANCHON est née le 25 Mars 1873 à Alès, dans le Gard.
Elle est la dernière d’une fratrie de six enfants, nés de Barthélémy Blanchon cordonnier, et de Marie Adélaïde Barry, arrivée 21 ans après leur mariage.
Ella a trois sœurs, et deux frères.
Durant son adolescence, son père devient distillateur/liquoriste. La famille s’installe à Nîmes.
Le parcours de vie d’Antonia, à priori, n’aurait pas dû la mener à affronter le couteau d’Henri VIDAL à Tamaris.

Antonia Van Brusselin
« Le Matin », illustration du 4 novembre 1902.

À Nîmes en 1891 (Recensement) Antonia vit avec ses parents, elle a 18 ans, ses frères et sœurs sont déjà tous partis.

Elle rencontre un graveur typographe, d’origine Belge, Joseph Georges VAN BRUSSELEN.
Ils se marient, à Nîmes, le 7 Juillet 1893, Antonia a 20 ans et signe son acte de mariage.

Le couple vit d’abord vraisemblablement à Nîmes, puis se déplace.
Il ne semble pas qu’ils aient eu des enfants, mais une chose est certaine, le couple ne s’entend pas et Antonia quitte son mari en 1900.
Sa mère est toujours vivante, ses frères et sœurs aussi, mais elle ne vivra pas près d’eux, car en 1901 elle est à Toulon et se prostitue.

Elle s’installe au 59 rue Nationale (actuellement rue Muraire dit Raimu) dans une chambre, un « garni ». Elle a vendu la plupart de ses bijoux et possède, dans un tiroir, la somme de 200 francs (environ 900 euros aujourd’hui). Il lui reste une bague, avec deux petites pierres, qu’elle porte.

Comment savoir ce qui l’a menée à Toulon ? Son père était liquoriste, à Nîmes, il fournissait peut-être le café Tortoni qui appartenait aux établissements Tollard, lesquels possèdaient également la « Taverne Alsacienne » au 17, bd de Strasbourg, à Toulon. Mais c’est peut-être une pure coïncidence…

Antonia fréquente la Taverne Alsacienne, sans doute pour trouver des clients, et c’est là qu’elle fera la mauvaise rencontre de sa vie, un soir de décembre 1901. Peut-être y croisait-elle le peintre Victor Protais-Girard* de Mar Vivo dont on connait la fin tragique…

Le 17 bd de Strasbourg aujourd’hui :


Illustration Google Maps

Le cadavre d’Antonia sera retrouvé avenue de la Rouve, à la Seyne, le 12 décembre 1901.


Le rapport de police :

Le 12 décembre 1901, le commissaire de Police de la Seyne, Calixte Pierre PIERRE, se rendra sur les lieux. Il n’est pas Seynois et vient de Nice. Il vit seul avec son fils Léon, secrétaire de Police et une domestique au 9 Place Martel Esprit. L’épouse de Calixte réside à Alger.

Recensement 1901


C’est d’ailleurs Léon PIERRE, fils du commissaire, qui déclarera le décès d’Antonia, le 13 décembre :

Toutefois l’enquête sera confiée au commissaire ROCHE, de Toulon.

Les journaux titreront, dans les jours qui suivent : « Le Crime de Tamaris ».
Dès le 17 décembre, « La Lanterne » fera un article sur ce crime « mystérieux » et parlera d’un soldat du 22° colonial comme de l’amant d’Antonia. Ce dernier ne sera pas incriminé et on ne parlera plus du tout de lui par la suite.

La Lanterne

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Le même jour, « La Liberté » écrit – de façon inexacte – à propos d’Antonia, que son patronyme « Van Brussen » n’est que son nom de fille galante et qu’elle est originaire de Villeneuve-lès-Avignon.
Cependant il livre une information intéressante, le mari d’Antonia aurait reconnu que l’on parlait de sa femme dans les journaux et en aurait averti la police.
Or, en réalité, Antonia n’est plus sa femme depuis le 9 juillet.
Georges Van Brusselen a demandé et obtenu le divorce.
Dans l’acte (archives départementales de Nîmes) Antonia Blanchon, absente, est défenderesse défaillante et est déclarée comme sans résidence ni domicile connu en France.
Ce n’est, finalement, qu’un détail, mais aucun journaliste ne mentionnera Antonia comme divorcée. On peut aussi se demander si elle-même était au courant de cette procédure.
Le lendemain, 18 décembre, « La Patrie » écrit qu’un certain Jean COMTE est soupçonné.

La presse

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Finalement, l’enquête sera brève.
Henri VIDAL, le « Tueur de Femmes » sera vite incriminé pour le meurtre d’Antonia.

Le Figaro publiera le 10 janvier 1902 le récit du meurtre par Henri VIDAL lui-même :

Un procès aura lieu en Novembre 1902, à Nice. 

Tous les journaux en feront un long compte rendu.                   

50 ans plus tard, France Soir, en publie même un récit illustré ! « Henri Vidal, le tueur de femmes« 

Récit de Paul Gordeaux – Images de Chancel (France Soir 16/09/1953 : LE CRIME NE PAIE PAS)

France soir

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« En décembre 1901 à Hyères dans le Var, Henri Vidal âgé de 34 ans, agresse à coups de couteau deux jeunes prostituées. Quelques jours plus tard à Tamaris près de Toulon, il assassine une autre fille publique. Il récidive à la fin du mois, en tuant une jeune femme rencontrée dans un train entre Beaulieu et Eze. Arrêté parce qu’il voyageait sans billet, celui que le pays tout entier va surnommer le « tueur de femmes » est condamné à mort par la cour d’assises de Nice en novembre 1902″.

Gracié par le président Loubert, il est envoyé au bagne de Cayenne*. Au pénitencier de Saint-Laurent-du-Maroni, à 7.300 km de Nice, Henri Vidal ne survivra même pas 4 ans. Il meurt en juillet 1906 à l’âge de 39 ans.

Pensées pour Antonia Blanchon, jeune femme ayant fait une mauvaise rencontre, prenant le bateau un soir de décembre pour se rendre dans un lieu magnifique et descendant du ponton de Tamaris* …

…et y trouver une mort affreuse.

Sources

radiofrance.fr/franceculture, 20minutes.fr, criminocorpus, Le Matin, Le petit Parisien, France soir, L’éclair, La Lanterne, Le XIXe siècle, Le Figaro, L’Intransigeant, La Patrie, La Liberté, Le Petit Journal, Gallica, Google maps, Wikipédia, Archives du Var, CPA Delcampe.

Article de Ludivine Rembobine*. Mise en forme PdP

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