Ce seynois, ancien élève des Maristes devenu médecin, fut, avec son oncle Clément Daniel* et quelques autres, l’un des héros de l’épidémie de choléra de 1865. Exerçant en ville, il fut aussi le médecin des Forges et Chantiers, médecin du collège pendant 33 ans, médecin de l’association de secours mutuel et d’autres sociétés, docteur bénévole de l’équipe de rugby seynoise, et médecin de l’hôtel-Dieu pendant 25 ans. Un millier de personnes l’accompagneront à sa dernière demeure. Au cimetière, trois discours furent prononcés, celui du maire Henri Pétin*, celui de son confrère le Dr Jaubert , et celui du révérent père Delaunay supérieur de l’Institution Ste Marie.

Prosper est le neveu de Clément Daniel *qui fut le médecin-chef bénévole de l’Hôtel-Dieu, tenu par des soeurs trinitaires* pendant 47 ans (aujourd’hui l’école municipale des Beaux-arts rue Clément Daniel).

Prosper Daniel né à La Seyne le 15 décembre 1839 fit ses classes au collège des Pères Maristes*, baccalauréat es lettres puis es sciences, école navale à Toulon d’où il sort chirurgien auxiliaire, embarqué sur le Iéna puis la Tempête (un an chirurgien major à Vera Cruz sur cette canonnière) rapatrié sanitaire impaludé, il démissionne ensuite de la Marine en 1863 refusant une mutation en Nouvelle Calédonie pour cause de crises fréquentes de paludisme, intègre la faculté de Médecine de Montpellier et en sort docteur en Médecine le 30 août 1865…

Troisième fils d’Augustin DANIEL, et de Rosalie ROBAIL, Prosper Henri Etienne Auguste naquit à La Seyne le 15 Décembre 1839 .

Il fit toutes ses classes au collège des pères maristes et n’en sortit qu’après avoir obtenu son diplôme de bachelier es Lettres (19 avril 1860). Il obtint de surcroît le baccalauréat es Sciences restreint, le 5 août 1864 (sans doute dans le cadre de sa préparation au doctorat en médecine). Il fit son stage en chirurgie à l’école navale de médecine de la marine à Toulon et après examen il y fut reçu chirurgien auxiliaire (c-à-d sous contrat avec un statut équivalent à celui actuel d’officier de réserve en situation d’activité) de troisième classe. Il débuta sa vie active sous le Second Empire et la termina après la mise en application de la loi de séparation de l’Eglise et de l’état.

Sa carrière militaire fut assez brève. Il fut embarqué successivement sur le vaisseau l’Iéna (10 novembre 1861 – 31 juillet 1862) et sur la canonnière la Tempête (5 août 62 – 4 mai 63) qui fut envoyée à l’expédition du Mexique où il resta environ un an. Il était chirurgien major sur cette canonnière en station à Vera Cruz et destinée à remonter les fleuves. Les archives nationales possèdent un rapport qu’il a établi sur l’état sanitaire de ce navire où il signale qu’un mousse ayant voulu s’amuser avec une mouette blessée a été atteint à l’oeil assez gravement. Après avoir perdu une partie de l’équipage à cause des fièvres paludéennes, il en fut atteint lui même et une fois en convalescence renvoyé en France par Bordeaux. Il arriva à Toulon le lendemain du mariage de son frère aîné Louis Emmanuel Augustin Hyacinthe DANIEL. 

Comme il avait fréquemment des recrudescences de fièvre et alors qu’il était muté en Nouvelle Calédonie, il donna sa démission de chirurgien de la marine (1° décembre 1863) et partit à la faculté de médecine de Montpellier d’où il revint avec le titre de Docteur en médecine. Il présenta sa thèse le 30 août 1865. Elle traite d’une question qu’il venait d’étudier de bien près: « Les fièvres intermittentes du Mexique ».

Son diplôme « Au nom de l’empereur » est signé par Victor Duruy, Ministre Secrétaire d’état au département de l’instruction publique qui lui avait accordé auparavant 8 inscriptions gratuites sur 12 (une inscription par trimestre) en raison de ses services comme chirurgien.

Sur ces entrefaites en 1865 le choléra* faisant de nombreuses victimes il obtint son admission comme Docteur des Forges et Chantiers de la Méditerranée. Là il se dépensa avec un zèle et une bravoure extrême auprès des malades et ne craignit pas, épuisé de fatigue, de dormir dans les ambulances qui se trouvaient dans des baraquements des Chantiers. Imitant en cela notre oncle Clément et notre père qui, président de la société de Saint Vincent de Paul, portait tous les jours des secours aux malheureux et même les couvertures des lits de la maison.

C’est en exerçant cette charité que notre regretté père (Augustin) fut victime du fléau et après avoir reçu tous les sacrements qu’il avait demandé lui même, il expira entre les bras de notre mère et de ses enfants.

Lorsque, le 5 février 1871 eut lieu la catastrophe de Bandol où un train explosa avec cinq cent personnes à bord il fut le premier sur place pour donner les premiers secours. Il avait un cheval arabe blanc, nommé Ali, qui devait être superbe car des décennies plus tard il faisait encore partie des souvenirs de ceux qui l’avaient connu (plusieurs témoignages). Il avait, dit-on, un jardin entre la rue Marius Giran et le Cours où il fit construire une maison pour chacun de ses enfants. Il habitait lui-même au n° 5 du Cours.

Il avait une nombreuse clientèle qui devait l’occuper intensément. C’est ce qui explique sans doute qu’en 1870, le maire de La Seyne avise les quatre médecins de la Seyne qu’un ouvrier de l’arsenal a porté plainte car son enfant est mort sans qu’il ait pu trouver un médecin. Le SAMU n’existait pas et ils devaient tous être en train de faire des visites à domicile. Le maire les harcèle également pour qu’ils lui fournissent l’état des vaccinations que la préfecture lui réclame. Une fois les vaccinations effectuées ces formalités administratives ne devaient pas les enthousiasmer outre mesure. Il était chargé en outre par l’autorité militaire du soutien santé des détachements des Forts Napoléon et Saint Elme et touchait à ce titre un traitement.

Comme son père la politique ne devait pas l’inspirer, il ne semble pas y avoir eu une activité quelconque. Sous le Second Empire il avait néanmoins la confiance de la municipalité car en 1868 elle le fait nommer par le sous-préfet commissaire répartiteur des contributions directes pour l’année 1869. Cette activité, toute bénévole, est assez prenante. Au cours du premier semestre de l’année ont lieu sept à huit réunions le samedi après-midi pendant lesquelles, sous la présidence du maire, ils aident le percepteur à procéder aux mutations sur les matrices cadastrales, contrôler les matrices personnelles et mobilières, établir celle sur la taxe municipale sur les chiens, et donnent leur avis sur les demandes en décharge des contribuables de la ville, occupation la plus prenante.

La clientèle de Prosper lui donnant déjà une belle aisance, il épousa, le 1° octobre 1866, à 27 ans, Mademoiselle Marie Françoise Catherine CHAPUY, âgée de 17 ans, née le 30 avril 1849, fille de François Marius, maître boucher et de Marie Madeleine Joséphine DELAUD. Elle est la nièce de Nicolas Chapuy* (qui, nouvel adjoint au maire en 1865, nommé à la commission hygiène meurt du choléra quelques jours plus tard !). Ils eurent six fils et trois filles.

Marie Françoise Catherine CHAPUY
  • Auguste (1867 – 1936)
  • Joseph (1869 – 1926)
  • Louis (1872 – 1949)
  • Marie Madeleine Josephine (1874 – 1877)
  • Marie Augustine Rosalie (1878 – 1878)
  • Gabriel (1877-1931)
  • Marius (1879 – 1950)
  • Rose (1881 – 1950)
  • Gustave (1882 – 1956)

Bien sûr tous les mâles de la fratrie (6 sur 7 enfants viables) firent leurs études aux maristes…Trois furent médecins, un fut pharmacien, un autre préparateur en pharmacie et le dernier receveur de l’octroi.

  • 1. Le premier, Auguste né en 1867, reçu Docteur en médecine, est devenu maire de Mila (Algérie, département de Constantine). Il s’est marié à Anne BOYER née en 1869. Il en a eu une fille: Louise, née en 1892, mariée à M. JOUANNEAU qui, ingénieur des Ponts et Chaussées, fut nommé ingénieur du port d’Alger. Ils ont eu un garçon nommé Henri et une fille nommée Yvette.
  • 2. Le deuxième fils JOSEPH est né le 18 Mai 1869. Egalement Docteur en médecine, il a épousé à La Seyne le 28 septembre 1897 notre petite cousine Clémence ETIENNE, fille du capitaine de frégate (elle descend en droite ligne par sa grand-mère Honorine Federici d’Anne Elisabeth Daniel fille de Joseph Daniel), puis est allé s’installer à OLLIOULES. Comme son père Prosper, il fut un Docteur charitable, compatissant pour les malheureux, on ne l’appelait jamais en vain. Il mourut en plein exercice de ses fonctions le 23 Décembre 1926 et fut enterré le jour de Noël. Ils ont eu deux filles et trois garçons : Marie 1898 – 1977, Rose 1900 – 1949, Louis 1902 – 1974, Pierre 1903 – 1974 et Gabriel 1904 – 1964
  • 3. Le troisième fils fut Louis (mort le 6 décembre 1949) receveur en chef de l’octroi de la Seyne, il a épousé Marie Joséphine BOYER 1878-1963 (communément appelée tante Jo) et en a eu une fille Madeleine qui est morte le 1° Mai 1915 à 12 ans et demi.
  • 4. Le quatrième fils fut Gabriel, né le 25 Mars 1877, Docteur en médecine établi à La Seyne, marié à Marseille le 7 Juillet 1908 à Jeanne MOURIN (1883-1968), morte à la mi-février 1968 à 85 ans. Il est décédé le 24 février 1931 des suites de ses blessures de guerre. Ils ont eu quatre enfants :Jean 1909 – 1912, Clémence 1911 – 1991, Pierre 1914 – 1931, Georges 1915 – 2002.
  • 5. Le cinquième fils fut Marius, né le 8 décembre 1879, établi pharmacien à OLLIOULES, marié à Toulon le 26 Décembre 1908, avec Augustine ICARD de Toulon; il a eu une fille Louise. Marius est décédé le 14 Avril 1950.
  • 6. La fille née le 8 mai 1881, l’avant dernière des neuf enfants, du nom de Rose a épousé le Docteur JOUFFRET établi à Nice. Elle est décédée le 26 décembre 1950. Elle a eu un fils du nom de Henri. Ses deux autres filles Madeleine et Marie sont mortes jeunes.
  • 7. Le sixième fils et le plus jeune enfant des neuf fut Gustave propriétaire et préparateur en pharmacie, époux de Delphine GUIGOU. Ce fut à la suite de sa naissance, le 6 novembre 1882, que sa mère mourut à l’âge de 33 ans. Il vécut à Nice, fit une brillante guerre de 14 et mourut le 31 septembre 1956.

Quoique assez jeune après la mort de sa femme, Prosper DANIEL ne voulut jamais se remarier afin de ne pas confier sa famille à une autre mère. Mais il engagea une cuisinière et une domestique. A partir de 1875 et jusqu’à sa mort il fut le médecin du collège. En 1883, succédant à son oncle Clément il fut chargé du service de l’hôpital qu’il assura jusqu’à la fin avec un zèle inlassable. D’abord médecin des Chantiers il devint ensuite celui de son Association de Secours Mutuel et celui de nombreuses sociétés. Il était également docteur bénévole de l’équipe de rugby de La Seyne. Partout il se faisait aimer et apprécier. En 1902, il fut nommé officier d’académie (c’est à dire décoré des palmes académiques) par le Ministre de l’instruction publique et des Beaux Arts Georges Leygues. Peintre habile il peignait les portraits de membres de sa famille qui les possède encore.

Il s’était fait une grande réputation d’opérateur et d’homme charitable, aussi sa mort fut-elle un deuil général et plus de 1000 personnes suivirent son cercueil. Il voulut que tous ses enfants fussent autour de lui lorsqu’il reçut les derniers sacrements qui lui furent donnés par le père supérieur du collège où il avait été élève ainsi que tous ses fils. Il mourut le 29 Février 1908, dans sa maison, 5 cours Louis Blanc*.

Le journal local La République du Var relate l’enterrement dans son édition du 3 mars :

« Les obsèques du docteur Daniel : Hier matin à 10h00, ont eu lieu les obsèques du docteur Daniel. Une imposante manifestation de sympathiques regrets a marqué cette cérémonie car le défunt jouissait, à La Seyne, de l’estime générale.

Au long cortège de parents et d’amis, s’était joint une délégation des élèves du collège Sainte Marie, avec leurs professeurs; les docteurs et pharmaciens; le personnel de l’hospice; les vieillards hospitalisés; les employés municipaux et de l’octroi etc.

De nombreuses et belles couronnes couvraient le corbillard et deux étaient portées à bras, une offerte par les employés de l’octroi et l’autre par le personnel de l’hospice, les malades et les vieillards.

Six poêles précédaient le char funèbre : celui de la famille était porté par monsieur Pétin* maire de La Seyne, le directeur des Forges et Chantiers et les vice-présidents du conseil d’administration de l’hospice. Venaient ensuite celui des docteurs et pharmaciens, celui de la commission de l’hospice et enfin celui des Dames de la Société de secours italienne la Subalpine et de la section artistique.

Au cimetière, trois discours ont été prononcés, le premier par le maire de La Seyne, qui a parlé comme ami et comme président de la commission de l’hospice dont le docteur Daniel était le médecin. Dans une belle péroraison, et avec un accent d’une haute sentimentalité, il a rappelé les longs et précieux services qu’il avait rendu à la commune et à la classe des déshérités. »

C’est le docteur André Jaubert qui, au nom du corps médical de La Seyne fit son éloge dont voici quelques extraits :

« Devant la tombe qui tantôt se refermera, des voix plus autorisées que la mienne ont fixé la physionomie éminemment populaire de l’homme de bien qui vient de disparaître.
J’ai simplement tenu à saluer la dépouille mortelle du Docteur Prosper Daniel et à lui apporter ici l’hommage et le souvenir ému des membres du Corps médical.
Né le 15 décembre 1839, à La Seyne, d’une ancienne famille du pays, il fait toutes ses études à l’Institution Ste-Marie. Plus tard, jeune chirurgien de marine, il prend part à la campagne du Mexique. Tandis qu’il remonte les fleuves du pays, à bord de la canonnière La Tempête, il subit les graves atteintes du paludisme et se voit obligé de rentrer en France.

En 1865, Daniel soutient sa thèse de Doctorat devant la faculté de Montpellier; elle traite d’une question qu’il venait d’étudier de bien près : La Fièvre intermittente du Mexique. C’est à cette époque qu’il
s’établit dans sa ville natale et que commence pour lui cette féconde carrière de praticien au cours de laquelle il allait mettre au service de ses concitoyens de si brillantes qualités. Une terrible épidémie sévissait alors; il quitte son père agonisant pour passer la nuit au chevet des cholériques dans les baraquements des Forges et Chantiers.

En 1883, succédant à son oncle, le docteur Clément Daniel, un nom qu’on n’a point oublié à La Seyne, il est chargé du service de l’Hôpital, qu’il assurait encore, ces temps derniers, avec un zèle inlassable. Médecin du Collège depuis 1875, médecin, pendant un certain temps, des Forges et Chantiers où il revient plus tard pour l’Association de Secours Mutuels, partout il se fait aimer et apprécier. Pendant les quarante ans qu’il s’est dépensé sans compter, son dévouement à toute épreuve, son activité sans bornes lui font de ses clients, pauvres ou riches, autant de véritables amis.

Pendant les 40 ans qu’il s’est dépensé sans compter, son dévouement à toute épreuve, son activité sans bornes lui font de ses clients, pauvres ou riches, autant de véritables amis….. Le docteur Daniel eut pu aspirer à une retraite bien gagnée. Mais il était de ses médecins qui ne savent point se reposer. Jusqu’au bout, lui, jadis si robuste, ébranlé déjà par le mal, il lutte malgré les instances des siens, sans vouloir abandonner l’exercice de son art. Pendant la courte, mais douloureuse crise qui l’a enlevé, il pensait toujours au moment qu’il croyait bien proche où il retrouverait son hôpital et ses clients. »

Extraits de l’allocution du Révérend Père Delaunay supérieur de l’Institution Sainte Marie :

« Permettez-moi à titre de supérieur de l’établissement où monsieur le docteur Prosper Daniel, il y a quelques cinquante ans, a fait toutes ses études, et dont il était depuis longtemps l’un des médecins, de déposer sur sa tombe son témoignage de respectueuse sympathie, tant au nom des professeurs et élèves de cet établissement, auxquels son dévouement n’a jamais manqué, qu’au nom de tous ceux qui nous y ont précédé…

C’est un beau spectacle, messieurs, que celui d’une longue vie consacrée toute à faire le bien dans l’intimité de la famille, toute à soulager, au dehors, des misères de toutes sortes, à porter la nuit comme le jour, aux pauvres comme aux riches, avec les remèdes qui soulagent le corps, les bonnes paroles, qui donnent la patience et la confiance à l’âme; une vie dirigée par une grande pensée, réglée par des principes immuables, parcourue en droite ligne sans défaillances. »

Sources :

La République du Var

Généanet

Archives ISM

Biographie de Prosper Daniel : par Mgr Charles Daniel frère de Prosper et neveu de Clément Daniel (Archives familiales Daniel)

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