« Notre petit vapeur traverse les lignes de l’escadre, le cap sur la bonne vieille tour de Balaguier, toute ronde et toute vide, et qui a l’air d’une énorme lanterne.

Nous laissons à notre droite, au fond de la rade, la Seyne et ses chantiers ; plus près de nous, l’Eguillette, les dépôts de fulmi-coton et l’ancien fort, le « petit Gibraltar, » que Bonaparte enleva de haute lutte aux Anglais.

La petite anse entre l’Eguillette et Balaguier n’est pas encore trop envahie par les villas modernes.

Le restaurant du Père Louis est toujours là, modeste, confortable et fleuri, habile aux fritures improvisées et à la bouillabaisse délectable. Je me souviens avec attendrissement d’une belle soirée d’été où, après un fin dîner, nous regardions tous deux sur cette plage riante les pescadours bronzés qui tiraient gaiement la seine. Dans l’eau transparente, sous les mailles brunes du filet, frémissaient des milliers d’anchois, papillotage irisé qui amusait les yeux… »

Anonyme

À Toulon

Revue des Deux Mondes, 5e période, tome 21, 1904 (pp. 593-635).

http://www.laseyneen1900.fr/2020/08/01/le-restaurant-du-pere-louis/

« Le fort de l’Aiguillette commencé en 1691, consiste, comme vous voyez en une tour carrée à deux étages, défendue par une batterie basse et entourée d’une forte muraille qui embrasse un emplacement dans lequel on trouve des magasins, un four, une citerne, divers appartements pour loger les officiers et des casemates pour abriter soixante à quatre-vingt hommes. 

Sa position à la pointe d’un promontoire est fort importante, les bouches à feu , dont on l’arme au besoin ,peuvent se tourner avec un égal avantage contre les ennemis qui projetteraient de l’attaquer par terre ou par mer. Les Anglais le sentaient si bien en 1793 qu’ils n’avaient rien négligé de ce qui à leurs yeux paraissait devoir rendre ce fort imprenable; munitions, approvisionnements, y étaient assemblées en abondance, leur flotte pouvait le ravitailler sans cesse; les anciennes fortifications réparées avec soin, de nouvelles qu’ils y ajoutèrent lui avaient fait donner le surnom de petit Gibraltar. Ils avaient de plus établi, au dessus du tertre qui le domine, une redoute hérissée de canons que protégeait une double enceinte flanquée de deux autres redoutes, défendues par deux mille hommes et un camp retranché, ils n’avaient rien épargné pour faire de cette grande redoute un point inexpugnable. Les généraux anglais étaient sans inquiétude sur le résultat d’une attaque, mais leurs soldats ne tinrent point contre la valeur des troupes républicaines, celles-ci ne se laissant point décourager pour avoir été repoussées deux fois, revinrent à la charge au milieu de la nuit du 16 au 17 décembre par une pluie violente qui en doublait l’obscurité, escaladèrent le retranchement malgré le feu de la mitraille, y pénétrèrent par les embrasures des canons et forcèrent les anglais à l’abandonner, à se replier sur les hauteurs de Balaguier, et, peu d’heures après à chercher un asile sur leurs vaisseaux. C’est au conseil tenu par les représentants du peuple et les généraux de l’armée républicaine que Buonaparte fit adopter, non sans peine, le plan qui contribua au succès de cette attaque; c’est dans cette circonstance que commença à poindre la réputation du jeune chef de bataillon que plus tard la France a salué du nom d’empereur. 

Montons au fort Caire, il a été construit en 1812 par l’ordre de Napoléon, c’est pour cela qu’on l’appelle aussi fort l’Empereur. C’est en terme de l’art une redoute modèle, ce fort, chef-d’œuvre en son genre, entretenu avec soin, protégé par des glacis qui laissent à peine apercevoir la sommité de ses remparts, où tout ce qui est destiné à servir d’habitation, de magasin est à l’épreuve de la bombe, peut avec une faible garnison opposer une longue résistance à un fort détachement de troupes ennemies. 

Des hauteurs que nous parcourons, la vue est aussi riche que variée, nous apercevons tour à tour et la ville et son territoire, et les deux rades et la grande mer, et des champs cultivés et de vertes forêts oû le chêne-liège dépouillé de son écorce laisse apparaître à nu son tronc couleur de sang, au milieu d’arbustes odoriférants et de plantes aromatiques. 

Au lieu du sentier étroit et raboteux que nous avons suivi pour venir de l’Aiguillette au fort Caire, un chemin pratiqué pour les voitures va nous conduire à la tour de Balaguier; ce fort, dont la construction est aussi ancienne que celle de la Grosse Tour, renferme dans son enceinte, en outre d’une tour circulaire à plate-forme, quatre corps de logis à l’épreuve de la bombe... »

PROMENADES  dans TOULON ANCIEN ET MODERNE. 

Par H• Vienne» , archiviste de la Ville» 

Dédiées aux Toulonnais. 

Toulon, 27 décembre 184o 

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