La mixité sociale sur le Cours Louis Blanc 

« Tu sais Firmin, le fils des Rouge qui se tenaient au vintecinque, hé oui, le petit fils de Natta le menuisier que ça fait 50 ans qui zabitaient sur le coursse, que même sa mère à Firmin elle y était née dans la maison, et bé sa voisine, la petite Marguerite, Guiguitte, la fille de Monsieur le comte, l’administrateur colonial, tu vois celui avec les belles bacchantes bien pointues et la légion d’honneur, là sur son beau veston, toujours bien mis celui-là qué ! eux ils se restaient au vintesisse, et bé elle te se l’est aganté, et que lui, peuchère, tout estranssiné qu’il était, et bè té ça a fini par un mariage, c’est comme je te le dis ! »

Les recensements de population ne servent pas uniquement à compter le nombre de gens habitant une ville à un moment donné, ils sont le témoignage précieux de l’environnement de nos aïeux. Ils permettent de retrouver leurs lieux de vie et de là, imaginer tant bien que mal leur ambiance quotidienne. 
Parfois ils permettent même de répondre à certain questionnement inévitable lorsque l’on part en quête de ses racines : mais à quoi ressemblaient-ils, comment vivaient-ils, comment se sont-ils connus… 
C’est à cette dernière question que cet extrait donne un élément de réponse :


Nous sommes en 1901, sur le Cours Louis Blanc.

Au numéro 25 de l’époque habite un « fonctionnaire colonial » Jules Gabriel raymond Henri de Mostuéjouls, avec son épouse Joséphine, et ses deux enfants : Marguerite 13 ans et Alexandre, 10 ans.

Le patronyme ne semblant pas vraiment Seynois, une petite recherche s’imposait.
Gabriel Raymond Henry Jules de Mostuéjouls est né le 28 mai 1862 à Toulon. 
Il est le fils du Comte Dieudonné de Mostuéjouls, issu d’une famille noble très ancienne, originaire du village du même nom dans l’Aveyron.
Il est l’un des instigateurs des premiers essais d’envoi postal par pigeons voyageurs, sous l’égide de la Société de Géographie.


 » La création des relations télégraphiques et postales est le premier souci de toute administration coloniale s’implantant dans un pays neuf, beaucoup plus étendu que la France, et relativement peu peuplé. La télégraphie ordinaire, très couteuse à établir, traverse de vastes espaces où son entretien et sa protection sont extrèmement difficiles à assurer. Les indigènes malveillants ou ignorants l’interceptent souvent ; parfois aussi les animaux, les éléphants en particulier, s’attaquent à une ligne et la détruisent méthodiquement en déracinant les poteaux sur de longs parcours. Dans ces conditions, le nombre de lignes télégraphiques est forcément très limité en raison des frais anormaux qu’elles occasionnent et du personnel technique que nécessitent leur entretien et leur service « .

« Gabriel de Mostuéjouls est né le 28 mai 1862 à Toulon. C’est le fils du Comte Dieudonné de Mostuéjouls, famille noble fort ancienne, originaire du village du même nom, dans l’Aveyron.
Il est arrivé en Afrique en 1892 comme mécanicien.
Nommé « chef d’exploration » au Congo français, il participe en 1899-1901, aux côtés d’Emile Gentil à la Mission Congo-Tchad. Ce dernier le qualifie de « vieil ami ».
Il devient chef de poste de « Tounia » au sud du Tchad (futur Fort-Archambault) et est commandant du  » Léon Blot « , bateau lui permettant alors de naviguer tant bien que mal sur le fleuve Chari. C’est un bateau à vapeur démontable, qui a ainsi pu rejoindre en « pièces détachées » le cœur de l’Afrique. Il porte le nom d’un compagnon de Savorgnan de Brazza, mort au cours d’une expédition.
Les qualités de mécanicien de Mostuéjouls sont un atout pour mettre en service ce moyen de locomotion fluviale, indispensable aux longs trajets effectués par les missions françaises. Il participe ainsi indirectement à la féroce répression militaire contre le sultan tchadien Rabah (cf http://voyage-congo.over-blog.com/article-loango-colonial-sultan-niebe-exil-123728502.html).
 
Il est fait chevalier de la Légion d’Honneur en 1901 (à titre civil), pour  » 8 ans et 10 mois de services : services distingués rendus aux missions de l’Afrique centrale et spécialement à la mission Gentil. Titres exceptionnels. »
Il devient administrateur colonial en 1904. il quitte le Congo en 1912, en prenant sa retraite  » à sa demande et à titre d’infirmités contractées au service  » à l’âge de 50 ans.

On voit Gabriel de Mostuéjouls lors de la mission Congo-Tchad, tout à droite sur la photo ci-dessus, aux côtés d’Emile Gentil « (cf    http://voyage-congo.over-blog.com/article-rapport-brazza-gentil-congo-accusation-124554764.html).

Gabriel de Mostuéjouls Chevalier

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En 1901 il est fait chevalier de la Légion d’Honneur (à titre civil), pour  » 8 ans et 10 mois de services : services distingués rendus aux missions de l’Afrique centrale et spécialement à la mission Gentil. Titres exceptionnels. » (Bulletin Officiel du Ministère des colonies (1894) -1901 . Année 15, n°5, T15)
Voir cet article  http://voyage-congo.over-blog.com/search/mostuejouls/


le 04.02.1911

La fille de Gabriel, Marguerite de Mostuéjouls se marie à la Seyne avec Firmin Marius Rouge


« Acte de Mariage de Firmin Marius ROUGE 26 ans, né à la Seyne le premier octobre 1884, officier d’administration du génie, domicilié à Bastia, fils majeur de feu Marius Hubert Victor ROUGE, vivant retraité de la marine, domicilié à la Seyne, et de Joséphine Françoise Baptistine NATTA, son épouse, domiciliée à la Seyne, présente et consentante, et Demoiselle Marguerite Jeanne Gabrielle Zulmé de MOSTUEJOULS 22 ans, née à la Seyne, le 12 juillet 1888, domiciliée à la Seyne, fille majeure de Gabriel Raymond Henry Jules de MOSTUEJOULS, administrateur colonial, domicilié à la Seyne, et de Joséphine Anne Marcelline DELMAS son épouse, tous deux présents et consentants ».
(Archives du var 7 E 133/110, vue 67/203)


C’est le moment de consulter à nouveau l’extrait des recensements du cours Louis Blanc et constater que le marié est loin d’être un inconnu pour Marguerite.
Nous pouvons même aller plus loin, avec l’acte de naissance de la mère du marié, Baptistine Natta :



« Naissance de Baptistine Françoise Joséphine NATTA, fille de Firmin Hippolyte NATTA, 23 ans, menuisier et de Adeline Romaine Marthe PLANCHE, 18 ans, domiciliés à la Seyne, sur le cours ». Archives du Var 29 Juin 1857 (7E133_35, vue 42/347)


Et nous pouvons à nouveau consulter cet extrait des recensements et voir que Firmin-Marius Rouge ne vivait vraiment pas loin de ses grands parents maternels….

Firmin Marius Rouge :

  • Né le 1er octobre 1884
  • Décédé le 27 août 1947, à l’âge de 62 ans
  • Inhumé – La Seyne-sur-mer, Caveau de MOSTUEJOULS
  • Officier du génie, Commandant, Chevalier de la Légion d’Honneur
Cimetière de La Seyne

À noter : 2 enfants sont nés de l’union de Gabriel et Joséphine, Marguerite (1888) dont il a été question ici, et Alexandre (1891) qui eut 2 garçons que l’on retrouve scolarisés aux Maristes à partir de l’année scolaire 38/39, Gabriel et Paul « de Fort-Lamy » en A.E.F (leur père est Receveur des PTT) qui est en 6° avec Gabriel Allard*


Recherche et texte Ludivine Rembobine et PdP.
Dialogue au lavoir enregistré et retranscrit par PdP pour La Seyne en 1900.

Sources

Archives du Var

Archives I.S.M

Le petit Var

Wikipedia

voyage-congo.over-blog.com/search/mostuejouls/

culture.gouv.fr

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