La France en Avril 1904 : 

Le  Président de la Troisième République est Émile Loubet, qui représente L’Alliance Républicaine Démocratique issue des républicains du centre (gauche glissant au centre droit). 

Le Président n’a quasiment qu’un rôle de représentation officielle dans cette IIIe République. 

Loubet soutiendra cependant la politique du bloc des Gauches jusqu’en 1907, lorsque la présidence du Conseil fut confiée à Émile Combes (1902-1905)  radical socialiste farouchement anticlérical qui imposa pour la première fois le clivage gauche-droite. C’est lui, le président du Conseil, qui élabore la politique intérieure, lui qui amènera en 1905 la loi de séparation des Églises et de l’État et l’aboutissement de l’école laïque en France.

 La Seyne en 1904 :

La commune compte alors 20 000 habitants.

Élu le 1er mai 1904 par son conseil municipal, succédant à Julien Belfort,(un retraité de la Marine, maire de 1900 à 1904) sa légitimité est immédiatement contestée devant le conseil de préfecture par deux électeurs de la commune qui l’accusent d’avoir acheté les votes de certains ouvriers influencés par la hiérarchie des Forges et Chantiers (dont lui-même avait été un employé), d’avoir été soutenu par le clergé qui offrait à des parents en échange de leurs suffrages la gratuité de la première communion de leur progéniture, et comble de malhonnêteté ses affiches électorales promettaient du travail et la prospérité des Chantiers au lieu de la continuité de la misère en cas d’élection du bloc des gauches…L’audience eut lieu le 16 juin 1904 à l’Hôtel de la Préfecture, sans remise en cause de la validité du scrutin…

https://www.archives.la-seyne.fr/informations-pratiques/actualites/focus-historique/quand-lelection-dun-maire-vire-au-roman-policier-*

À l’issue de la mandature de Julien Belfort, le candidat Henri Pétin, « marchand de métaux », un industriel qui représente la « Fédération Républicaine Socialiste et d’intérêts Seynois », doit affronter l’alliance « Antelmiste et Bloquiste » c’est-à-dire les fumistes du bloc Jouffret l’apothicaire et les partisans de Louis Antoine Antelme* du bloc des Gauches, l’ex Premier adjoint du maire sortant Julien Belfort(1900-1904).

*Louis Antoine Antelme : (Carcès, 1836 – La Seyne, 1906)

Chef de bureau, puis ingénieur civil, conducteur des Ponts et Chaussées . Retraité, Il fut conseiller municipal dans la municipalité François Bernard (1896-1900) puis dans la municipalité de Julien Belfort (1900-1904) Premier adjoint au Maire, délégué à l’instruction publique et à l’Etat-civil, conseiller général de Collobrières. Propriétaire de terrains dans le secteur de la route de Balaguier et de la rue Nicolas Chapuy (son épouse y demeurait en 1886, alors que lui était domicilié à Toulon. Il est décédé à cette adresse en 1906 selon Marius Autran ). La traverse qui relie la rue Pierre Lacroix à la rue Nicolas Chapuis porte son nom (par donation de terrain à la ville)  

La lutte pour la mairie est âpre, dans la rue avec l’arrachage des affiches imputé aux candidats du Bloc et aux membres du comité Antelmiste (les mamelouks de la bande Lenoir-Antelme), dans les réunions et par journaux interposés.

Le Bloc accuse les Forges et Chantiers de la Méditerranée, de faire pression sur les ouvriers pour faire élire Pétin. 

La Fédération, elle, affirme que le Bloc composé de salariés de l’État n’a que faire du sort des ouvriers et de celui des commerçants, « à qui l’on fait l’injure de les croire corruptibles et manipulables ». 

Le Petit Provençal accuse Pétin et Barrel, de faire travailler les chômeurs à vil prix. 

Aux élections du 1er mai, sur 4264 inscrits, 2903 votants, le Bloc fait 1301 votes et Henri Pétin, 1632, « c’est un écrabouillement complet du Bloc Antelme »

-Selon « le Variable » (Le petit Var), La Seyne est tombée entre les mains des nationalistes. « Les capitalistes ont odieusement exploité la misère, née par le chômage »

-Selon « La République du Var » c’est la défaite de « Quelques douzaines de braillards, meneurs, estropiés de cervelle qui ont mené en pleins Chantiers une campagne ayant but de semer la haine et la division ».

La célébration de la victoire s’effectue dans la dignité. « Quelle différence avec les élections de 1900 où des hordes et des bandes avinées parcouraient la ville, l’insulte à la bouche ! » contre François Bernard le précédent maire sorti par Belfort en 1900.

Les décrocheurs du Bloc ont quand même hurlé l’ignoble Internationale tout le long du quai du Port, des coups de sifflet et des cris « à bas la calotte » sous les fenêtres de la Jeunesse Socialiste.

Le 8 mai, les inconsolés du bloc Antelme déposent une protestation contre les résultats du premier tour, Monsieur Jouffret (Prosper Pancrace Jouffret, officier d’académie et professeur de l’université en retraite) et Bonnefoi (André Bonnefoi, officier d’administration en retraite) du comité du bloc de gauche ont adressé au sous-préfet une protestation contre les procédés employés par les élus, demandant une enquête sur l’odieuse pression exercée par le haut personnel des chantiers à l’encontre de ses ouvriers et employés et aussi sur d’autres faits scandaleux. Cf le courrier produit par les Archives de La Seyne…

La lettre de protestation

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Ils dénoncent la sanction contre 150 ouvriers mis en promenade (en fait 12 à cause du départ du paquebot Espagne dans les réparations étaient terminées d’après La république du Var).

Le 8 mai, deuxième tour pour le ballottage des deux candidats, celui du bloc contre le conseiller Divisia « représentant les honnêtes gens »

Divisia élu, pas de Carmagnole chez les Blocards…

Le 13 mai 1904 des bouquets sont offerts à M. Rimbaud par les ingénieurs maistrance et employés et par chaque corps d’état des ouvriers. (éphémérides Honoré Besson chef de section) 

Le 12 mai, la bataille est finie et les morts sont vengés. Les Antelme et les Bonnefoi n’avaient qu’un but, remplir leur besace et se moquer des électeurs. 

Le groupe de la Libre Pensée devant l’audace croissante de la Calotte, demande que la loi soit appliquée concernant la chapelle du mai, celle de Michel Pacha, celle des Maristes, qui constituent un défi à l’opinion publique

Le 14 mai, Fournier, 40 ans de Maison et Directeur des F&C depuis 1901, confie pour raisons de santé la direction des chantiers à l’ingénieur chef de section Léonce Rimbaud*.  Cette décision est bien accueillie par La République du Var. Son autorité est incontestable et incontestée. (Voir par ailleurs Léonce Rimbaud*).

Le 16 mai, installation du conseil municipal. Le citoyen Pétin est élu (26 voix sur 27). Il fait un discours très profond, très instructif et très applaudi sur le républicanisme et la déclaration des droits de l’homme, sur la liberté, l’égalité, la fraternité.

Sous le balcon, les sociétés musicales jouent la Marseillaise. 

Le 17 mai, dans le journal des défroqués et des frères trois points, les Bonnefoi et Antelme ne peuvent digérer le « coudoun » (ressentiment profond, dépit concentré selon Lou Tresor dóu Felibrige).

En ce mois de mai 1904, par voie de presse, le bureau des Postes et Télégraphes invite les futurs abonnés du réseau téléphonique de La Seyne à signer leur contrat d’abonnement. 

Le 20 mai, un nouveau chef-d’œuvre entre à l’église de La Seyne, L’Assomption de Marcel Poggioli peintre de Marseille.

Pour l’équipe municipale nouvellement installée, l’abattoir, l’octroi, l’hôpital et la police sont des priorités, « une épuration s’impose ».

Le 21 mai, on publie la fameuse lettre de protestation avec cette tournure maladroite pour un professeur « pour faire faire le voyage pour voter », écrite par Lenoir (le « nègre » d’Antelme, pourtant titulaire des Palmes académiques) est signée de Jouffret et Bonnefoi. Sur le document des archives de La Seyne on peut lire une annotation manuscrite, détournement volontaire de l’expression « Vae victis », ici : « Morts ! » Gloire aux vaincus ! « Gloria Victis », probablement écrite à l’issue du jugement, comme une dernière pelletée de terre sur le cercueil de l’opposition jugée morte et enterrée ? (La suite contredira cette affirmation hasardeuse…)

Le 22 mai, première séance du conseil municipal : constat du déficit budgétaire, décision d’un audit (confié au Trésorier Payeur Général, plus deux membres du conseil municipal) à rendre public. 

Selon Le Petit Provençal, le maire aurait rendu visite à la Société des Forges et à monsieur le curé Doyen, pour rassurer le Capital et la Calotte ce qui est démenti formellement le 25 mai. 

Le maire a offert, au café de la Méditerranée, un apéritif au commissaire Pierre Pierre à ses agents. 

Le 29 mai : Le banquet démocratique.

Début juin, l’ex premier adjoint Antelme s’est permis d’intervenir sur une bagarre avenue Gambetta, en donnant des ordres au commissaire et aux agents qui se sont docilement exécutés, d’où une vive critique contre lui. 

Le 6 juin Henri Pétin est accusé d’avoir agi auprès du sieur Bonnefoi pour lui demander de retirer sa protestation, démenti du Maire.

Il est aussi accusé d’avoir reçu le directeur des Chantiers qui lui a donné quelques ordres. Redémenti.

Le 7 juin, l’ex premier adjoint d’hilarante mémoire vient d’être désavoué par le président du bloc de gauche Bonnefoi !

Le 16 juin, le conseil de préfecture rejette purement est simplement la protestation formulée le 6 mai par messieurs Bonnefoi et Jouffret, le mandataire du Bloc devant le conseil de préfecture était bien Antelme lui-même.

Le 21 juin, on vote le recrutement d’une nouvelle brigade car les effectifs de la Police Municipale sont insuffisants. Leur service est écrasant malgré leur motivation et l’implication du (fameux)commissaire Pierre Pierre* qui prêche d’exemple et que l’on trouve encore à son cabinet à minuit et même à 1h du matin….Fin de la bataille autour de l’élection d’Henri Pétin* mais l’opposition n’est pas calmée pour autant, la suite ici*.

http://www.laseyneen1900.fr/2020/11/22/henri-petin-1870-1911-en-1906/*

Commentaires de Marius Autran sur la mandature Pétin : … Le remède qu’il proposa fut l’austérité : réduire les dépenses et augmenter les impôts. Ce genre de remède miracle, nous payons beaucoup et depuis longtemps pour en connaître l’efficacité… et ce n’est pas fini !Quatre ans plus tard, Henri Pétin et sa politique d’austérité furent renvoyés de la scène politique seynoise...

Sources

La République du Var

Le Petit Provençal

Le petit Var

Journal officiel de la République française 21 avril 1895 (p2279)

www.archives.la-seyne.fr/informations-pratiques/actualites/focus-historique/quand-lelection-dun-maire-vire-au-roman-policier-

http://jcautran.free.fr/oeuvres/tome5/chapitre_2.html

éphémérides Honoré Besson chef de section

wikipedia

Lou Tresor dóu Felibrige

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