Rendez-vous à la fontaine…
Les immigrés italiens :
« Ces visiteurs se firent de plus en plus nombreux vers la fin du XIXe siècle, à une époque où le patronat recherchait, comme toujours, une main d’oeuvre avantageuse. Michel Pacha, père de la Corniche de Tamaris en avait embauché quatre cents et à ceux-là s’en ajoutèrent des milliers d’autres destinés aux chantiers navals.
Alors se posèrent à La Seyne les problèmes de la cohabitation et du racisme que nous évoquerons plus loin.
Installés sommairement, entassés dans des taudis, à proximité des chantiers ou dans les plus anciennes rues de la basse ville, ces travailleurs italiens surent, par leur ardeur aux tâches les plus ingrates, par leurs privations, réaliser des économies substantielles, acquérir des terrains de culture, bâtir leur maison de campagne, vendre des produits de leur travail.
La Place du Marché connut alors la concurrence que l’on qualifiait d’étrangère.
« Nous ne sommes plus chez nous ! » s’écriaient les Audibert, les Martinenq, les Allard, les Beaussier. Et l’on pestait contre les piantous, les macaronis, les babis.
Les premiers noms à consonance italienne retentiront sur le marché tous les jours où l’on voyait s’installer les Panaro, les Marro, les Vezzani, les Alena, les Pelufo, les Filipucci… pendant qu’à la poissonnerie les Vuolo, les Attanasio, les Bianco se taillaient une solide clientèle malgré la mauvaise réputation que tentait de leur faire les autochtones.
L’apparition de ces premiers italiens fut l’objet de la vindicte publique, pendant plusieurs années. On les trouvait sales, on les accusait facilement des larcins et même des crimes de la région. On se plaignait du tapage nocturne de quelques ivrognes du dimanche soir qui s’attardaient au Bar de Florence, place Bourradet.
» Ils sont venus de leur pays de misère sans rien du tout ! « , disaient les uns, à la queue de la fontaine au bas du Cours. » Et voilà que maintenant ils achètent des hectares de bonne terre à dix sous le mètre « .
» Et quand ils auront la terre, les entreprises de maçonnerie et les ateliers, ils nous feront tous partir « , disaient les autres. Alors des politiciens se voulant rassurants intervenaient et les répliques fusaient aussitôt : » Le gouvernement nous parle toujours de défendre la Patrie ! Quelle Patrie ? Que sera-t-elle notre Patrie dans quelques années ? « .
» Nos enfants devront se faire tuer pour défendre les propriétés des Italiens – ça c’est un comble ! Ça devrait pas être ça ! « . Mais peu à peu l’intégration des immigrés se faisait tout de même dans la population. Leurs qualités de travailleurs acharnés et économes forçaient le respect. Ils surent nouer dans leur entourage de solides relations de convivialité avec les Seynois de souche.
On sourit aujourd’hui au rappel de ces rivalités de l’époque, génératrices de discordes familiales, de conflits d’autorité au sein des associations locales, d’altercations dans les lieux publics et naturellement sur la Place du Marché et à la poissonnerie.
Toutes les discussions passionnées allaient s’estomper devant la gravité des événements. Quelques semaines après le déclenchement de la Première guerre mondiale, des centaines de nos concitoyens tombèrent sur les champs de bataille de la Marne, de l’Argonne et d’ailleurs et parmi eux des Baglietto, des Giordano, des Baudena, des Guistiniani, des Appennini, etc… etc…
Un grand nombre de jeunes gens d’origine italienne ne furent pas des ingrats et défendirent héroïquement leur terre d’accueil. »
http://jcautran.free.fr/oeuvres/tome3/place_du_marche.html
Au milieu des années 50 j’accompagnais ma grand-mère à la fontaine avec ces fameuses cruches toscanes dont je possède encore 2 ou 3 exemplaires; par chance la fontaine était adossée au mur du jardin, nous n’avions que quelques mètres à parcourir; c’était effectivement le lieu de rencontre des femmes du quartier (je ne me souviens pas y avoir jamais vu un homme)Nous n’avons eu l’eau courante qu’en 1955 ou 1956.
Cela se passait au quartier Sainte Anne, à l’extrémité de l’avenue des sablettes
Un mot à propos du racisme: mon grand-père, fils d’immigrés italiens, né en 1890 (Cordera de son nom) est mort pour la France, à son poste d’officier mécanicien, en 1943.