Michel Pacha ce « héros » Partie II

Michel Pacha capitaine au long cours ou capitaine au long nez ?

Les aventures de notre Tartarin local…

Seynoiserie ou Sanarynade ?

Rappel des « faits » :

Sans vouloir faire offense à sa mémoire, cet acte de bravoure du petit Marius,  » déterminant dans la prise de Djidjelli  » n’a curieusement pas été récompensé par une quelconque citation…
La légende pourrait venir de Gustave Peronet dont les grands-parents ont vécu dans l’intimité des Michel-Pacha en tant que leurs serviteurs dévoués et bien sûr tout disposés à croire les affabulations du patron (Antoine le grand-père était maitre d’hôtel et Catherine Bardy la grand-mère femme de chambre), suite à une conférence qu’il donna le 13 février 1984.

Charles de Salles (1803-1858)


C’est Charles de Salles commandant de l’expédition de Djidjelli, chef d’escadron qui dirige les opérations et relate à sa manière la bataille à son beau-père Sylvain Charles Valée le maréchal, Gouverneur général des possessions françaises dans le nord de l’Afrique.

Sylvain Charles Valée (1773-1846) (Par Joseph-Désiré Court )


De Salles a sous ses ordres Armand Jacques Leroy de Saint-Arnaud capitaine de la Légion étrangère.
Quand de Salles débarque, les légionnaires ont déblayé le terrain au péril de leur vie. Le maréchal Vallée ne s’y trompe pas puisqu’à cette occasion il nomme Leroy de Saint-Arnaud chef de bataillon.

Leroy de Saint-Arnaud (1798-1854) (Par Charles-Philippe Larivière)


Marius Michel lui est un petit fourrier de 20 ans embarqué sur le Cerbère, l’un des deux bateaux à vapeur avec le Styx, qui sont embossés et canonnent l’ennemi à terre. Peut-être a-t-il fait partie du détachement de marins venus tardivement renforcer le bataillon de légionnaires ? En tout cas, le Moniteur Universel du 27 Mai 1839 (n°147) relate sobrement qu’un maitre du Cerbère est monté de jour, le 13 au matin, planter le pavillon tricolore sur une mosquée, la bataille du 14 mai qui fut rude (il y eut des morts et des blessés) contre les Kabaïles pour la prise de Djidjelli ayant duré toute la journée…
La Grande Histoire ne retient pas l’épisode du petit moussaillon de St Nazaire (Sanary) devenu fourrier de 2ème classe lors de la campagne d’Algérie, qui eut le culot d’aller de nuit, à la nage, du bâtiment sur lequel il était embarqué (le Cerbère), planter le drapeau français sur le sommet de la grande mosquée de Djidjelli, ayant eu pour effet de faire croire aux indigènes (stupides et naïfs comme de bien entendu) que leur ville avait déjà été prise, entrainant leur fuite précipitamment et permettant aux soldats d’envahir le lieu pratiquement sans rencontrer la moindre résistance, ce qui signa l’ascension du petit Marius…

Voir Michel Pacha ce « héros » 1/2*


Sacré Marius !

Les faits, rien que les faits !

Grâce au Fil d’Ariane, cette association de bénévoles ayant pour but l’entraide généalogique, et à Thierry Crusiaux en particulier, il nous est possible de remonter à cette bataille de la prise de Djidjelli directement à la source par la consultation des documents de bord.

Il n’y a pas de journaux de bord concernant le navire CERBERE pour cette période, le premier journal de bord pour le CERBERE commence à partir du 28/11/1843 au 13 novembre 1861.

Par contre sur le rôle d’équipage (registre 2E6-2126) de l’exercice 1839 du bâtiment à vapeur « le CERBERE » armé le 17 février 1836 sont notés les combats livrés par le bâtiment et les évènements divers.

Le fait de guerre dont il est question ici est retranscrit sur ce registre, accompagné d’une copie épinglée en courrier.

Le Cerbère quitte Stora le 12 mai, arrive à « D’gigelly » le 13, et en repartira le 15, faisant cap sur Alger qu’il atteindra le 17.

Le fait d’armes est constaté, le 10 juin 1839 sur l’invitation de monsieur Roux, lieutenant de vaisseau, commandant :

Le cerbère est parti le 11 mai de Philippeville, avec des troupes de débarquement de la légion étrangère à Alger, Il était accompagné du Styx portant également des troupes à son bord. 

Dans la nuit du 12 au 13 mai, les deux navires, s’étant rendu à Djigelli, ont surpris la ville et y ont débarqué leurs troupes. Elles étaient commandées par monsieur de Salles chef d’escadron d’État-Major et chef de l’expédition.

D’après l’ordre de Monsieur de Marqué, chaque bâtiment a fait accompagner ses troupes par un détachement de marins pris dans les équipages, celui du cerbère était commandé par Monsieur  Béchameil, enseigne de vaisseau chargé du détail du bâtiment. 

La surprise et la promptitude avec laquelle le débarquement a eu lieu a rendu la progression du terrain facile. Les arabes s’étant retirés sur une ligne plus éloignée où ils pouvaient recevoir du renfort, nos troupes les y ont suivis, une fusillade a été engagée qui a duré toute la journée et nos marins ont travaillé immédiatement dans le feu de l’ennemi aux retranchements avec cette activité qui leur est justement reconnue. 

Le lendemain, le14, a eu lieu une attaque très sérieuse, les arabes avaient eu le temps de se réunir. Ils étaient très nombreux et nos postes attaqués sur tous les points, nos marins avaient cessé de travailler aux retranchements et avaient été placés aux avant-postes. Plusieurs balles, les ont atteints entre autres, Monsieur Béchameil, qui en a reçu une dans le ventre., dont la blessure eut pu devenir très grave, et qui néanmoins a voulu être pansé sur les lieux, sans quitter son poste.

 Ce jour là même, l’ordre très pressé fut donné au Cerbère de venir s’embosser sur la côte. Cet ordre fut expédié par Monsieur de Salles, commandant de l’expédition, et exécuté immédiatement, tout ayant été prévu à bord, le feu du cerbère a aussitôt contribué à faire diminuer l’attaque et insensiblement à éloigner les arabes, qui, en se retirant, envoyaient leurs balles à bord. Un homme en a été atteint.

Ces faits majeurs, en tant de paix, avaient besoin d’être constatés ainsi que les récompenses suivantes qui ont été accordées. Monsieur Roux, lieutenant de vaisseau commandant a reçu un témoignage de satisfaction de sa majesté transmis par Monsieur le ministre de la Marine , Monsieur Béchameil et le maître de manœuvre ferrier ont été décorés. 

Plusieurs hommes de l’équipage ont reçu un avancement en grade et en classe par procès-verbal d’avancement extraordinaire en date du 15 mai.

Fait à bord du Cerbère ce jour  tous sous signés, Cissou signé GENER, Solène Béchameil, Garbaron, noyer, Auguste et roi, pour copie conforme, le commissaire des services

Sous signés Jensolen Béchameil, Garbeiron (Auguste), Monoyer (Antoine), Marroin 

Michel Blaise Jean Marius matricule 21936 Toulon fut débarqué à Toulon (où le Cerbère avait fait escale du 4 au 28 juin) le 25 juin 1839.

Donc dans le récit de cette bataille jamais Marius MICHEL n’est cité nommément.

Jamais il n’est question d’un marin intrépide s’enroulant dans le drapeau tricolore pour aller nager de nuit et mystifier les arabes en allant planter ce drapeau au sommet d’un minaret, leur faisant croire que la ville était déjà prise (propagande de bonne guerre dans ces périodes).

Peut-être Marius Michel faisait-t-il partie des hommes d’équipage envoyés sur le terrain sous la mitraille ennemie, « le corps de débarquement », ceux dont le courage furent récompensé par un avancement extraordinaire le 15 mai, c.à.d le lendemain de la dernière bataille. Mais, dans ses états de service rien sur le 15 mai, ni dans son dossier de la Légion d’Honneur.

Il n’est cité que le 1er février 39 pour avancement (de matelot à fourrier de deuxième classe), c’est-à-dire antérieurement à la prise de Djijelli. 

Selon les nombreuses sources consultées, aucune ne corrobore la légende seynoise, seul le capitaine de la Légion étrangère Leroy de Saint-Arnaud sera promu chef de bataillon sur la proposition du maréchal Vallée. 

Bien sûr chacun des protagonistes s’attribue les lauriers de la victoire, le commandant de Salles donneur d’ordre devant le maréchal Valé son beau-père, le capitaine Saint-Arnaud de la légion l’exécutant, et même le jeune Marius Michel qui a pu y contribuer s’il a bien fait partie du corps de débarquement…

Marius, si tu m’entends, rend à César ce qui appartient à César !

Saint-Arnaud, c’est lui qui mouille sa chemise de capitaine de la Légion étrangère en se jetant à l’eau à l’avant de sa compagnie pour atteindre la côte de Djidjelli, les barques de débarquement du Cerbère s’étant ensablées…C’est d’ailleurs lui (et personne d’autre) qui sera cité à l’ordre du jour après la prise de Djidjelli.
Armand Jacques Leroy de Saint-Arnaud, un grand militaire, « un de ceux qu’on critique en temps de paix et qu’on vénère pendant les guerres« , Maréchal de France, Grand écuyer de France, avec de nombreuses autres distinctions dont l’ Ordre du Médjidié de 1re classe de Turquie (comme Michel Pacha d’ailleurs, lui même grand cordon de l’ordre du Médjidié en 1895 puis grand cordon de l’ordre de l’Osmanié en 1899) remporte brillamment la Bataille de l’Alma, le 20 septembre 1854, mais, septembre noir pour lui car miné depuis longtemps par une péricardite, il contracte également le choléra et le 26 septembre il remet le commandement à Canrobert. 
Le 29 septembre 1854, il embarque à bord du Berthollet à dix heures du matin, afin de voguer vers Constantinople où il espère retrouver sa seconde épouse mais il meurt le même jour à quinze heures. Napoléon III le fit inhumer aux Invalides.
Connu pour sa bravoure, d’aucuns diraient « une tête brûlée », il est resté célèbre pour cette exhortation lancée à ses soldats derrière lui : « Ce n’est rien, c’est de la mitraille, en avant ! »

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est 67656171_2391724367560457_1655406079506382848_o-731x1024.jpg.
 
 

Voir : Michel Pacha ce « héros« * 1/2


Sources bibliographiques :

Thierry Crusiaux Le fil d’Ariane

https://fr.wikipedia.org/…/Armand_Jacques_Leroy_de_Saint-Arnaud

Lettres du maréchal de St-Arnaud, Djidjelli (1839).


https://elaouana.com/1839.html


https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k204856z/f4.item


Journal des débats politiques et littéraires du 27 Mai 1839


Lettres du Maréchal de SAINT-ARNAUD tome premier par M. Sainte-Beuve

 Correspondance du maréchal  Valée, T.III, P.83.

« Gigelly, le 14 mai 1839: Extrait du rapport du chef d’escadron De Salles »

http://www.tv83.info/2018/11/29/parle-moi-de-djidjelli/ par Dominique Marcoux


https://www.jijel.info/…/173-l-occupation-de-djidjelli-en-1…


La Ville de DJIDJELLI devenue JIJEL à l’indépendance …

NotreJournalnotrejournal.info/IMG/pdf/info_248.pdf


Histoire de Djidjelli par A. Retout 1927 source Gallica.bnf.fr

Gigelly, le 14 mai 1839: Extrait du rapport du chef d’escadron De Salles | Histoire de Jijel |تاريخ جيجل ، كتامة


Conférence de M. Gustave Peronet 13 02 1984


Histoire de la Ville de Sanary-sur-Mer » Biographie de Michel Pacha par Marius Autran


Thèse de Nathalie Bertrand sur Michel Pacha 1990-2000 


Marius Michel Pacha par Jean-Pierre Renau 2006


L’homme des phares de Yves Stalloni 2017

Campagne d’Afrique en 1830, par M. Fernel, chef de bataillon attaché à l’état-major général de l’armée, page 36, Paris, 1831

Petites histoires de la côte de Renaud Duménil

Wikipedia

4 comments

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *