Sur un total de 828 Seynois qui ont trouvé la mort au cours des guerres du XXe siècle, 431 militaires (soldats, marins et officiers) seynois sont morts au cours de la guerre de 1914-1918, dont François Xavier Louis Marie Armand Rimbaud.

François est l’un des sept enfants de Marie Julie Antoinette Jeanne Coste et de Léonce Rimbaud* qui fut le directeur des Forges et Chantiers de la Méditerranée entre 1904 à 1926. Son père, fervent catholique, très attaché à l’Institution Ste Marie, confiera ses 3 garçons, Jean, François et Michel, à cette maison d’éducation.

François, tout au long de sa scolarité à l’ISM, obtiendra régulièrement le « prix d’honneur » lors de la distribution des prix, c.à.d le plus grand nombre d’inscriptions dans l’année au tableau d’honneur. Il en sortira avec son bac philo en poche en 1911.

Citation :
Jeune caporal de la classe 1915, blessé mortellement le 16 mai à l’Hartmannswillerkopf, a fait l’admiration de tous par son calme et son mépris souriant de la mort…

 

  • Nom : RIMBAUD
  • Prénom : François Xavier Louis Marie Armand
  • Date de naissance : 07-09-1893
  • Lieu de naissance : Seyne-sur-Mer (La) Tamaris Villa Belle vue
  • Département de naissance : 83 – Var
  • Pays de naissance : France
  • Année de classe militaire : 1913
  • Matricule de recrutement : 887
  • Bureau de recrutement : Toulon (83)
  • Grade : caporal
  • Unité/Régiment : 7e bataillon de chasseurs à pied (7e BCP)
  • Date de décès : 16-05-1915
  • Lieu de décès : Hartmannswillerkopf
  • Département de décès : 68 – Haut-Rhin

Nécrologie

« Né à Tamaris, près La Seyne, le 7 septembre 1893, François Rimbaud était fils du vénéré président de notre Association.

N’ayant encore que trois ans, il prodiguait aux membres de sa famille les marques de la plus vive affection. Ne le vit-on pas, un jour, offrir son jouet préféré, en guise de consolation, à sa grand mère affligée.

À 7 ans il vint au collège; il y resta une dizaine d’années. Ayant achevé ses études classiques, il se rendit à Paris où tout en faisant son droit, il fut élève de l’Ecole des Hautes Etudes Commerciales. Il en sortit diplômé en 1913.

Francois était un jeune homme foncièrement bon, dont la loyauté se lisait dans le regard droit de ses yeux bleus. Très réservé, presque timide, il parlait peu en public, mais causait volontiers dans l’intimité, où se révélaient alors la beauté de son âme, la douceur de son caractère et la fermeté inébranlable de ses principes religieux.

Dès la déclaration de guerre il n’eut qu’un but : s’engager. « J’espère qu’on me prendra tout de suite, écrivait-il, pour n’importe quoi et n’importe où. Je ne demande qu’une chose : partir. Je regrette tant de n’avoir pas été pris ; sans cela je serais déjà soldat. »

Malgré ses instances il dut attendre la révision de la classe 15. C’est alors que, le voyant si décidé quoique un peu chétif, on l’accepta.

Incorporé au 7e alpin, à Draguignan, il y fit l’apprentissage du métier militaire jusqu’au 10 mai, jour où il partit, comme caporal, pour ce front de bataille si impatiemment désiré.

Le 14, il arrivait dans les Vosges; le 15, il allait dans les tranchées. Il ne devait y rester q’un jour. Vers le soir, il était grièvement blessé et le lendemain 16, au matin, il rendait sa belle âme à Dieu.

Les détails de cette mort si édifiante ont été transmis à la famille par le capitaine de la Compagnie et par l’aumônier du bataillon. Nous ne pouvons mieux faire que d’en donner de larges extraits » :

Lettre du capitaine Martin à M Léonce Rimbaud :

« Monsieur,

Le brave enfant que vous venez de perdre appartenait à ma compagnie, et c’est à ce titre que je tiens à vous donner des détails sur sa belle mort.

Il a été grièvement atteint par une balle au bas-ventre, alors qu’il était à son poste dans la tranchée. Autant que j’ai pu m’en rendre compte, cette balle a passé par un créneau et est venue le frapper par ricochet. Aussitôt prévenu, je me suis rendu auprès de lui. Le médecin auxiliaire qui le pansait me fit signe, en arrivant, que la blessure était mortelle ; le sang s’échappait en abondance. Je me suis alors penché sur le pauvre enfant pour lui prendre la main. M’ayant reconnu, il m’a dit combien il regrettait de me quitter, à peine arrivé au front, et de ne pouvoir faire plus longtemps son devoir. Après une longue pression de main je le fis conduire au poste de secours. La gravité de sa blessure ne permit pas de le transporter de ce dernier point dans la vallée, et, malgré les soins empressés des médecins, il mourait le 16 mai, vers 3 heures.

Pendant son agonie il n’a pas prononcé une plainte, ne cessant d’encourager ses camarades, auxquels il a serré la main avant de mourir, les remerciant des soins donnés et offrant volontiers sa vie à la cause commune. C’est une des plus belles morts que j’ai vues. Aussi, l’ai-je citée à tous comme exemple, et ai-je demandé au commandant du bataillon une citation à l’ordre du jour. Je vous la ferai parvenir dès qu’elle aura paru.

Je connaissais peu votre cher fils, puisqu’il m’avait rejoint depuis quelques jours seulement au sommet de l’Hartmannswillerkopf, mais j’avais pu lui causer, le jour de son arrivée, et j’avais vu qu’il y avait en lui l’étoffe d’un futur officier.

Son éloge n’est pas à faire; il est tout entier dans ses derniers moments. Je comprends combien grande doit être votre douleur, mais ce sera, je l’espère, une consolation pour vous de savoir avec quelle sérenité et quelle bravoure il a attendu la mort qu’il sentait venir.

Ce n’était encore qu’un enfant, mais un enfant auquel j’aurais pu tout demander, étant certain de l’obtenir, même au prix des plus grands dangers.

L’inhumation a été faite en pleine montagne, près du poste où votre cher enfant est mort. II vous sera facile de retrouver l’emplacement car une croix s’y trouve avec le nom.

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments les plus dévoués.

MARTIN, Capitaine, commandant la 4 Cie du 7° alpin ».

Lettre de M. l’aumônier Poiret à Madame Rimbaud:

« Mocsch (Alsace), 26 mai 1915.

Madame,

Dieu qui a fait le cœur des mères leur demande parfois de grands sacrifices. J’ai vivement regretté d’avoir obéi au désir de votre fils, en vous annonçant sa blessure, quand il m’a été dit que je ne devais pas vous annoncer sa mort tant que vous n’en auriez pas eu la nouvelle officielle.

J’ai deviné vos angoisses, mais je devais m’incliner devant l’ordre donné.

Votre fils est mort dans la nuit du samedi au dimanche 16 mai, à 2 heures et demi. Il a été soigné avec beaucoup de dévouement et d’intérêt par le Major et le sergent infirmier. Monsieur le Major avait gardé un faible espoir de le sauver et n’avait pas permis son transfert à l’hôpital; ce long voyage de trois heures aurait pu être fatal et enlever le dernier espoir de salut. C’est donc au poste de secours, nommé Herrenffuh, sur le chemin de l’Hartmannswilerkopf, que votre enfant est mort.

Tandis qu’il était assis dans la tranchée, une balle l’a frappé par ricochet, a pénétré dans la région lombaire et n’est pas ressortie.

Il a souffert, incontestablement, mais n’a laissé échapper ni une plainte ni un gémissement. Il a seulement demandé à plusieurs reprises qu’on lut fit des piqûres de morphine pour adoucir ses souffrances.

A 9 heures les deux majors sont encore venus le voir et ont renouvelé son pansement. Il semblait aller mieux; sa figure était calme. A 1 heure il me fit appeler et me dit qu’il sentait venir la mort. Il a gardé sa lucidité d’esprit jusqu’à la fin. Il m’a chargé de vous dire qu’il avait fait son devoir, qu’il penserait à vous jusqu’au bout, qu’il vous demandait pardon des peines qu’il avait pu vous causer, me priant instamment de vous dire ces choses.

Il a accepté héroiquement le dur sacrifice de sa vie et de son avenir, que Dieu lui demandait, Sa dernière parole a été un acte de contrition, qu’il a commencé spontanément à réciter ; son dernier acte a été l’essai d’un signe de croix.

J’ai offert le Saint-Sacrifice de la Messe pour lui, comme je le lui avais promis, et j’ai béni sa tombe. J’aurais voulu qu’on lui fit un cercueil, mais en pleine montagne ce n’était pas possible. Une grossière croix de bois indique l’emplacement où repose son corps.

Je prends part à votre douleur, Madame, et je prie Dieu d’y apporter allègement et réconfort. Tout nouvellement arrivé au bataillon, j’ai été heureux d’apporter à votre cher fils avec mon cœur de prêtre et d’ami les consolations de la religion, à ses derniers moments.

Je m’incline devant vous, Madame, et vous prie d’agréer l’hommage de mes sentiments respectueux.

C. POIROT, Prêtre-brancardier au 7° bataillon de chasseurs. »

« Ardent patriote, M. Léonce Rimbaud (4 filles et 3 garçons) entendait faire tout ce qui était en son pouvoir pour aider son pays… Des sacrifices très lourds lui furent demandés en ses enfants :

  • François, le second fils, fut tué, en mai 1915, presque dès son arrivée au front d’Alsace…
  • L’aîné, Jean, devait être grièvement blessé à Verdun, en mars 1916, et d’ailleurs, remis vaille que vaille, s’engager dans l’aviation, puisqu’une jambe amputée lui interdisait de continuer à servir dans l’infanterie (!) Rimbaud Jean, lieutenant observateur à l’escadrille Nieuport. Inscrit au tableau spécial de la Légion d’Honneur pour le grade de Chevalier :  « Le 17 Mars 1916, venant à peine de rentrer d’une reconnaissance à longue portée, aperçoit des avions français aux prises avec des avions ennemis, n’hésite pas, d’accord avec son pilote, à retourner dans les lignes ennemies pour les combattre. Grièvement blessé en combattant un avion ennemi qui abandonne la lutte. Amputé d’une jambe. »
  • Le troisième, Michel, s’engagera en juin 1918, quand le permettra son âge ».

Sources

Regards sur l’histoire de La Seyne-sur-Mer / n°15

Discours in extenso lors de la distribution annuelle des prix en 1915 Archives ISM

Livre d’Or de la Faculté de droit de Paris

Images de la vie seynoise d’antan – Tome II (1988) In Memoriam de Marius Autran

memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/

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