Pourquoi la rue Clément Daniel ?

Bordant au nord l’îlot Germain Loro*, perpendiculaire à la rue Etienne Prat, ex rue du séminaire, une charmante rue, où se trouvait jadis la tuilerie Coupiny*, anciennement nommée rue de l’Hôpital parce que justement il y avait dès le XVIIIe siècle l’Hôtel-Dieu tenu par des soeurs trinitaires, s’appelle aujourd’hui rue Clément Daniel, nom attribué dès son décès par le conseil municipal présidé par Saturnin Fabre le 22 février 1891 à celui qui en fut le médecin-chef bénévole pendant 47 ans, ayant eu à affronter quatre terribles épidémies cholériques durant sa carrière.

L’épidémie de choléra de 1865*

De juin à novembre 1865 avec son paroxysme en septembre le terrible fléau s’abat sur tout le pays. Cette épidémie cholérique fut la plus meurtrière des quatre que la ville ait eu à subir au XIXe siècle. La ville comptait en 1865 13 000 habitants dont 4 000 ouvriers qui travaillaient aux chantiers, 500 morts (les 4/5 des personnes atteintes) sur une période de 4 mois, d’Août à Novembre 1865.

-Une ambulance au quartier des Cavaillons dans la grande chapelle des pénitents blancs et ses annexes, spacieuse et proche du cimetière. Y sont attachés le Dr Prat*, le Dr Combal* et plus tard le Dr Mourgues spécialiste lyonnais. Les soignants para médicaux et les aidants sont les religieuses de la Présentation, de Mouissèque, ainsi que les dames trinitaires de la rue de l’Hôpital.

-Une autre ambulance à l’hospice civil et une aux Chantiers de la Méditerranée (Dr Clément et Prosper Daniel*, Martinenq ex chirurgien de la Marine et Burq un spécialiste).

Les prêtres, les religieuses et tous les civils volontaires se dévouent pour assister les mourants et consoler les familles, en particulier les pères maristes qui mettent à disposition leur voiture et leur cheval pour transporter les morts de leur domicile au cimetière. Le pharmacien du bas du marché Cyrus Hugues distribue gratuitement les médicaments. http://www.laseyneen1900.fr/2020/07/30/lepidemie-de-cholera-de-1865-et-nicolas-chapuy/

Qui était Clément Daniel ?

Le quatrième fils de Hyacinthe est François Clément Prosper DANIEL qui naît le 27 novembre 1810, en la maison de la rue Filadou (actuelle rue Marius Giran) au n°1. Né à Ia fin de I’Empire il connaît tous les régimes du siècle des révolutions, les Cents-Jours, la Restauration, la Révolution de 1830, Louis Philippe, la Révolution de 1848, le Second Empire, la Commune, et Ia III » République dans sa phase anticléricale. Il fait ses études au petit séminaire de Brignoles. Il les interrompt à l’âge de 17 ans pour se lancer dans la carrière maritime et embarquer comme novice Ie 19 avril 1827. Après 8 mois de navigation et quelques mois de caserne il déclare renoncer à la navigation et est rayé de l’inscription maritime.

Il reprend alors ses études et, le 1° février 1831, obtient le baccalauréat es lettres. Ce fut sans doute un événement extraordinaire dans la commune car son diplôme est enregistré avec les arrêtés municipaux (fait très rare). Puis, dès le 14 février, il suit, pendant six ans, les cours de médecine de l’école de la marine de Toulon. Promu au grade de chirurgien de 3° classe le 23 février 1833 il est, le 6 janvier 1836, reçu officier de santé à Draguignan, devant un jury composé de professeurs de Montpellier. Il navigue pendant quelques années; puis la mer ne lui convenant pas, il prépare son doctorat et une fois reçu, le 11 août 1843, à Montpellier, il s’établit à La Seyne où il est déjà, depuis le 23 mars 1841, le chirurgien bénévole de l’hospice civil de la ville.

Pendant les épidémies de choléra qui se sont abattues sur la Seyne en 1835, 1849, 1854, 1865 et 1884 il se dévoue sans compter. La tradition orale rapporte que pour éviter la contagion, tous les soirs, il buvait du vin jusqu’à en être ivre; il avait même, dit-on, parfois du mal à rentrer chez lui.

Pendant le choléra qui a sévi dans la région en 1835 il mérite que le maire Louis-Balthazar BERNY lui adresse le 30 décembre le témoignage de satisfaction suivant :

« Nous, maire de La Seyne, voulant donner un témoignage de notre satisfaction à Monsieur Daniel Clément, chirurgien de 3º classe de la marine, certifions qu’étant venu se mettre à notre disposition pour aider ses confrères et soigner ses concitoyens atteints par le choléra, ce jeune médecin a rempli cette tâche avec un zèle, un dévouement et une abnégation au dessus de tout éloge. »

Après l’épidémie de 1854 il reçoit un autre témoignage du maire le 25 mars 1855. Il a :

« prodigué ses soins non seulement aux cholériques que nous recevions à notre établissement, mais encore à ceux qui étaient dans une position de se faire traiter chez eux; la conduite honorable qu’il a tenu pendant toute l’épidémie n’a fait qu’accroître l’estime générale dont il jouit et la notre en particulier, et nous sommes heureux que cette circonstance nous fournisse l’occasion de lui exprimer toute notre reconnaissance et de lui témoigner tout le plaisir que nous éprouvons à attester une conduite aussi noble et aussi désintéressée que la sienne. »

Puis après celle de 1865 il recoit une médaille de bronze pour le dévouement dont il a fait preuve à l’occasion de cette épidémie.

Pendant 47 ans il donne des soins gratuitement à « ses chers malades » de l’hôpital de La Seyne et à tous les malheureux qui avaient besoin de lui. D’un caractère agréable et homme du monde il sait consoler les malades et donner de l’espérance à ceux qu’il désespère de sauver. Aussi sa réputation est vite établie et à lui seul il a autant de malades que tous les médecins de la ville réunis. Il est Docteur des Forges et Chantiers de la Méditerranée, de la douane, de l’Artifice (Pyrotechnie), de l’Administration (médecin assermenté) et de beaucoup de sociétés. Le 24 novembre 1846 le maire de La Seyne lui remet une médaille d’argent pour « la propagation de la vaccine » délivrée par le Ministre de l’Agriculture et du Commerce. En 1856 il est nommé membre de la commission administrative du bureau de bienfaisance et de celle de l’hospice. Il y reste une vingtaine d’années.

On lui confie des responsabilités qui dépassent ses compétences professionnelles. En 1862 il est membre d’une commission d’hygiène chargée de vérifier la salubrité des logements loués aux nombreux ouvriers étrangers qui venaient travailler aux Chantiers. Dans ce cadre il doit, avec les autres membres de cette commission, décider des mesures à prendre pour combattre un état fiévreux parmi les ouvriers des chantiers qui habitent une des rues de La Seyne. Il est également désigné, quelques mois plus tard, en tant que propriétaire, pour faire partie de la commission cantonale des statistiques agricoles. En 1871 il est nommé membre de la commission cantonale de La Seyne en compagnie d’un professeur du collège de Toulon à la retraite. Puis en 1872 la commission départementale de l’Instruction Publique le désigne pour faire partie de délégation cantonale pour la surveillance des écoles. A ce titre il participe à plusieurs réunions pour vérifier le budget des écoles de Six-Fours, puis pour visiter celles de La Seyne. La municipalité a confiance en son honnêteté. Elle le fait nommer par le préfet répartiteur des contributions directes pour l’année 1847. Avec quatre autres personnes il est chargé, sous la direction du maire, de partager les impôts directs que doit payer la commune entre les contribuables.

A partir de novembre 1855 il a pour mission, alternativement avec un confrère, de visiter un mois sur deux la salle d’asile (maternelle), rue de la Miséricorde (rue d’Alsace) pour :

« y surveiller la propreté et l’état de la santé des enfants, y reconnaître si aucun d’eux n’est atteint de maladie contagieuse comme gale, teigne ou dartres et surtout s’ils n’ont pas de poux. »

A chaque visite il doit signer un registre et rendre compte au maire, par écrit, de ses observations. Il n’est prévu aucune rétribution car :

« Comme c’est une mission de prévoyance, de civilisation et de charité, je ne doute pas de votre concours pour mener à bien l’oeuvre extrêmement utile et chrétienne des salles d’asile. »

En août 1858 il est nommé médecin de l’Administration appelé à constater l’état de santé des fonctionnaires et employés qui seraient dans le cas de demander soit leur mise à la retraite pour cause d’invalidité, soit des congés pour cause de maladie. A ce titre il est assermenté et fait passer les visites d’admission dans les écoles militaires.

Par exemple le 5 avril 1864 il signe le certificat suivant :

« Je soussigné, docteur en médecine, médecin de l’hospice civil de la ville de La Seyne, certifte que monsieur Daniel Louis, Henri, Melchior (originaire de La Réunion, né le 23 juillet 1847 à Saint Denis, candidat à l’Ecole Navale, décédé le 25 janvier 1886, sa famille était originaire de La Seyne) est de bonne constitution, qu’il n’est atteint d’aucune infirmité qui le rende impropre au service de la marine et qu’il a été vacciné avec succès. En foi de quoi, j’ai délivré le présent certificat pour valoir ce que de raison ».

La vie politique ne semble pas l’avoir passionné. Il est de tous les combats perdus d’avance. Le 23 août 1846, pendant la période troublée qui précède la révolution de février 1848, il est élu conseiller municipal. Mais la deuxième république l’élimine rapidement du circuit. On le retrouve à cette fonction à un moment où les volontaires n’ont pas dû être nombreux car il n’y avait rien à gagner et tout à perdre au moment où le Second Empire est en train de disparaître dans la défaite, au mois d’août 1871. Dans ces circonstances être conseiller municipal exigeait d’accepter de se dévouer pour sa commune, pour l’administrer quoiqu’il arrive, sans espérer en tirer autres choses que des ennuis. Ironie du sort il prête serment à l’empereur le 1° septembre, jour de la défaite de Sedan qui amène la disparition de l’Empire. Le 10 il a déjà disparu du nouveau conseil, sans regret peut-on penser. On l’y retrouve à nouveau en août 1877, il est même adjoint, quand Mac Mahon brûle ses dernières cartouches en faveur de la royauté. La encore il ne fait pas long feu; il ne se faisait sans doute pas d’illusions.

Il s’est marié le 12 juin 1845 à Marie Madeleine Mélanie LOMBARD, née le 19 décembre 1826 à La Seyne, fille d’un lieutenant de vaisseau et de la demoiselle MOUTTE. Il a dû faire un beau mariage car à la mort de son beau père il fait partie de la dizaine des contribuables les plus imposés à qui la municipalité demande leur avis lorsqu’elle envisage des dépenses exceptionnelles. Sa femme est distinguée à plusieurs reprises. En août 1858 elle est désignée, en vertu d’une législation récente, par le préfet avec neuf autres dames pour patronner le salle d’asile (maternelle). Ce n’est pas une sinécure. Tous les trimestres, en compagnie du maire, elles doivent l’inspecter et lors des messes officielles elles sont chargées d’y accompagner les enfants. A partir de 1860, ces dames ont créé un tour de service, tiré au sort, qui les amènent, pendant tout un mois à surveiller la salle. Le maire ajoute :

« Votre grand zèle et votre dévouement me sont un sur garant que vous remplirez cette tâche charitable avec empressement pour arriver au but que vous vous êtes proposé. »

En 1862 elle est la marraine* de l’une des quatre nouvelles cloches qui sont installées sur le clocher de l’église paroissiale, le parrain est le capitaine au long cours Etienne Combal, son oncle par alliance.

Ils ont trois enfants.

  • Hyacinthe
  • Henri
  • Paul Augustin
  1. Louis Marie Hyacinthe DANIEL, né le 26 août 1846, qui reçut la tonsure et les ordres mineurs mais vu son caractère scrupuleux et inconstant abandonna la carrière.
  2. Pierre Jules Henri DANIEL* (11 août 1850-7 juillet 1916) devient Docteur en médecine de la faculté de Montpellier en 1876. Vu son éducation et le talent qu’il a acquis par sa grande expérience et son travail, il réussit à se faire une réputation dans l’homéopathie et est très couru à Marseille où il fait un riche mariage. Il épouse, le 24 août 1884, Mademoiselle Sabine GARCIN d’Hyères. Le père de son épouse, si l’on en croit un observateur impartial, est :
  3. « Très spirituel, il connaît une foule d’anecdotes fort intéressantes sur toutes sortes de choses qui le rendent fort agréable en société ».
  4. Paul Augustin (à l’état civil Auguste Paul Léonce) DANIEL, né le 12 janvier 1852, prend le greffe de la justice de paix de la Seyne. Il avait d’abord essayé, conformément à la tradition familiale, la navigation. Inscrit maritime le 12 avril 1852, il navigue à deux reprises, comme matelot, sur des navires des Messageries Impériales dont son cousin Louis est le second. La première fois pendant presqu’un an, en 1869-70 sur la ligne Singapour – Batavia (aujourd’hui Djakarta capitale de l’Indonésie) et la deuxième pendant un mois, en 1873, au cabotage le long des côtes libanaises. Puis il a renoncé à la navigation.

De 1883 à 1888 à quatre reprises le conseil municipal a proposé, en vain, le docteur Clément Daniel pour la croix de chevalier de la Légion d’Honneur. Le 6 novembre 1884 par exemple il émet le voeu suivant :

« Considérant que depuis plus de 40 ans monsieur Clément Daniel, docteur en médecine à La Seyne exerce les fonctions de médecin de l’hospice civil de La Seyne d’une manière absolument gratuite; que depuis la même époque il prodigue également des soins gratuits aux malades pauvres de la ville; que son dévouement sans borne et désintéressé s’est affirmé de nouveau pendant l’épidémie cholérique qui vient de faire des ravages à La Seyne; que les commissions administratives de l’hospice et du bureau de bienfaisance de cette commune ont à maintes reprises et notamment par leurs délibérations du 17 mars et du 12 mai 1882 rendu hommage à la noble conduite de ce médecin; que le conseil municipal suivant l’exemple donné par ces commissions l’a dans la séance du II février 1883 chaleureusement recommandé à l’autorité supérieure pour l’obtention d’une récompense honorifique; le conseil municipal émet le voeu que la croix de chevalier de la légion d’honneur soit, à l’occasion de l’épidémie cholérique qui vient de finir, accordée par le gouvernement à monsieur le docteur Clément Daniel dont la vie a été toute de sacrifice pour les nombreux malades déshérités de la fortune »

En 1887 la municipalité qui tient absolument à lui faire obtenir cette distinction, fait une nouvelle demande qui commence en ces termes :

« J’ai l’honneur de vous faire part que le conseil municipal de La Seyne a, dans sa séance du 24 mai 1887, délibéré de demander au gouvernement de la république une récompense pour monsieur le docteur Daniel Clément qui a rendu les plus éminents et les plus généreux services à notre commune. Monsieur le docteur Daniel Clément a soigné, pendant 40 ans, sans interruption, les malades de notre hospice et il n’a jamais sollicité aucune rétribution. Ce désintéressement, l’amour pour les pauvres au plus haut degré, voilà les titres de monsieur le docteur Daniel Clément, aussi ai-je la profonde conviction, monsieur le préfet, que si vous voulez bien vous faire l’interprète de notre proposition auprès du gouvernement de la république qui sait si bien récompenser le mérite, elle sera prise en bonne considération. »

Un dossier bien documenté accompagne ce préambule qui en 15 pièces officielles retrace sa vie et ses actions depuis son entrée dans la carrière et sa nomination au poste de médecin bénévole de l’hospice. Il se termine par cette conclusion :

« Considérant qu’à l’âge de 77 ans, alors qu’un repos bien mérité semblerait devoir s’imposer à cet honorable praticien qui a consacré sa vie à l’humanité souffrante, monsieur le docteur Daniel Clément ne continue pas moins à donner, matin et soir, ses soins gratuits avec le même zèle et le même dévouement qu’auparavant, le conseil municipal réuni, hors cession, le 24 mai 1887, prenant en grande considération les voeux plusieurs fois émis par nos assemblées républicaines soit communales, soit des commissions administratives de l’hospice et du bureau de bienfaisance, délibère de faire appel à la haute sollicitude de monsieur le ministre de l’intérieur pour qu’il veuille bien obtenir du gouvernement que la croix de la Légion d’Honneur soit accordée à l’occasion de la fête nationale du 14 juillet prochain, à monsieur le docteur Daniel Clément comme le digne et juste couronnement d’une carrière si bien remplie et pour récompenser spécialement les services rendus gratuitement à l’hospice de La Seyne, pendant 40 ans, par ce serviteur émérite de la cause publique. »

Les autorités varoises interrogées par Paris ne lisent même pas le dossier. En juin 1887 voici la réponse que fait le préfet à une demande du ministre de l’intérieur :

Voici les renseignements qui me sont fournis par le sous-préfet de Toulon à la date du 20 juin courant :

« Monsieur Daniel Clément est d’un âge avancé, il est riche, appartient à une famille « réactionnaire et l’est lui-même; il est chargé d’un service municipal gratuit en sa « qualité de médecin depuis de nombreuses années et en cette qualité sollicite la « décoration de la légion d’honneur (c’est faux c’est la municipalité républicaine qui « la sollicite, lui-même ne doit pas se faire d’illusion, il n’a d’ailleurs rien signé); ses « confrères de La Seyne se chargent volontiers du même service dans les mêmes « conditions de gratuité (c’est faux il est le seul). Monsieur Daniel a été adjoint au « maire de La Seyne pendant la période du 16 mai.

« J’estime que le parti républicain serait très désagréablement impressionné (c’est « faux le maire de la Seyne, Saturnin FABRE, qui fait la demande en est un des « membres les plus connus dans le Var) si cette distinction était accordée à Monsieur « Daniel ».

En janvier 1888, le même maire de La Seyne ayant obtenu des assurances orales du Président du conseil relance le dossier. Entre temps un témoin extérieur est venu renforcer sa conviction de la nécéssité d’obtenir cette récompense. La commission administrative de l’hospice à la suite d’une inspection diligentée, en octobre 1887, par le ministre de l’intérieur rend compte au maire que « Monsieur l’inspecteur général fait ressortir les longs services de Monsieur le docteur Clément Daniel qui depuis 45 ans prodigue gratuitement, seul, les soins à nos malades et il joint ses instances à celles déjà présentées plusieurs fois par le conseil municipal et les différentes commissions administratives de notre hospice pour demander que la croix de la Légion d’Honneur vienne récompenser une si belle conduite. »

Le nouveau préfet avait d’abord eu l’intention de répondre : « Les opinions politiques se sont modifiées depuis l’époque du rapport de mon prédécesseur. En présence de l’insistance de la mairie de La Seyne qui a été élue par la majorité des républicains de La Seyne, je ne crois pas qu’il y ait inconvénient à accorder la distinction sollicitée en faveur de M. Daniel ». Mais il s’est ravisé et a écrit :

« Si les opinions de M. Daniel, ancien adjoint au maire pendant le 16 mai ne se sont pas modifiées, il a cessé d’être militant. Son âge très avancé entre pour beaucoup dans cette nouvelle attitude. Je reconnais volontiers que sous tous les régimes M. Daniel a donné des soins gratuits aux malades de l’hospice. Ses confrères de La Seyne agissent comme lui (c’est faux il est le seul médecin de l’hospice), mais depuis moins longtemps. Sans voir un inconvénient politique marqué dans la nomination de M. Daniel, je dois me demander s’il n’y a pas dans le Var des personnes aussi méritantes que lui et plus dignes au point de vue politique. Il me parait difficile de ne pas faire une réponse affirmative à cette question. »

Ces membres de l’Administration préfectorale « républicaine » fournissent un bel exemple de sectarisme intolérant. S’il avait été un anticlérical militant il l’aurait obtenu, sans nul doute, sans aucune difficulté mais ses rares apparitions politiques le disqualifiaient définitivement pour cet honneur. C’est sans doute ce qu’a compris le conseil municipal qui pour le remercier a décidé le 17 juin 1888:

« la commune reconnaissante des inoubliables services rendus pendant 48 ans par monsieur le docteur Clément Daniel aux malades de l’hospice de La Seyne lui concède gratuitement et perpétuellement dans le carré n°2, 1° allée transversale, deux emplacements de tombeau formant en totalité une largeur en façade de 2m20 sur une profondeur de 2m50. »

Clément DANIEL meurt à La Seyne le 23 février 1891 à l’âge de 81 ans. Le lendemain le maire de La Seyne, un républicain bon teint, l’annonce au conseil municipal en ces termes :

« J’ai la douleur de vous apprendre que monsieur le docteur Clément Daniel qui, depuis plus de 40 ans, avec un dévouement et un désintéressement au dessus de tout éloge, donnait ses soins gratuitement aux malades de notre hospice, vient de décéder à l’âge de 81 ans, dans l’exercice de ses fonctions. En mémoire des éminents services rendus à la commune par monsieur Clément Dantel et comme hommage de notre plus vive reconnaissance je vous propose de lever la séance et de renvoyer l’ordre du jour à huitaine. »

Cette mort est un deuil général pour la ville.

Le journal le Petit Var du 24 février relate ainsi l’enterrement :

« Les obsèques du docteur Clément Daniel, médecin honorifique de notre hospice, ont eu lieu hier après midi, à 1 h ½ au milieu d’un grand concours de parents et d’amis. Le deuil était conduit par les fils du défunt docteur. De nombreuses couronnes parmi lesquelles celles de la municipalité, ornaient le char funéraire, précédé par 2 poêles, le premier tenu par les membres de la fabrique, dont le défunt faisait partie; le deuxième, par des amis personnels de la famille : MM. Verlaque (premier ingénieur en chef des Forges et Chantiers de la Méditerranée), Beaussier*, pharmacien civil, Sauvaire, pharmacien principal de la marine et Victor Audibert. notaire. De chaque coté du cercueil marchaient des douaniers sans armes, dont le docteur était le médecin. Dans le cortège, on remarque le personnel de l’hospice, la police, la justice, les employés de la mairie et les membres des diverses administrations de la ville, de nombreux amis personnels du défunt et de la famille Daniel. »

Un discours fut prononcé sur sa tombe par M. Saturnin FABRE, maire de La Seyne. Après avoir relaté toutes les qualités du défunt il termina son discours par ces mots :

« Puissent ces sentiments de respectueuse reconnaissance être un adoucissement à la cruelle douleur éprouvée par votre famille et par les nombreux amis, qui ont apprécié l’élévation et la loyauté de votre caractère.« Vénéré docteur adieu! ».

Une décision du conseil municipal fit écrire en lettres d’or sur le tombeau, donné gratuitement par la ville, ces mots: « Bienfaiteur de la ville. »

Par la même délibération du conseil municipal, il fut décidé que la rue de l’hôpital porterait le nom de « rue Clément DANIEL ».

Une salle du nouvel hôpital, construit en 1995, porte son nom. La quasi totalité des personnes que le préfet du Var trouvait plus méritantes que lui sont tombées dans l’oubli, malgré leur Légion d’Honneur. Lui qui n’en n’a pas été jugé digne est encore honoré par les descendants de ceux qu’il a soigné. Le journal de La Seyne n° 4 du 30 mars 2000, municipalité Maurice Paul, communiste, le présente en ces termes :

« Clément Daniel : médecin-chef bénévole de l’Hôtel-Dieu en 1865, lors de la dernière épidémie importante de notre ville, celle du choléra. Grand philanthrope, il se dépense, pendant ce triste épisode, sans compter au chevet des malades avec son neveu Prosper. La famille Daniel, connue à Six Fours depuis le X° siècle, est toujours présente à La Seyne. »

De son vivant la maison utilisait les services d’une domestique. Celle-ci disparaît après sa mort. Son épouse Mélanie LOMBARD est morte le 11 août 1909 à l’âge de 83 ans.

01/03/1891
02/03/1891
06/03/1891 C’est donc Prosper Daniel son neveu qui lui succèdera au sein de l’Hôpital

Voir : Prosper Daniel*

Allée 1 est, 22 ème place

Sources :

Biographie de Clément Daniel : par Mgr Charles Daniel neveu de Clément Daniel (Archives familiales Daniel),

Inventaire cimetière,

Google books,

Le petit Var,

photo coll. priv.

Mise en forme PdP pour La Seyne en 1900.

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Voir l’article sur les soignants de l’épidémie de choléra de 1865 :

http://www.laseyneen1900.fr/2020/08/01/les-soignants-de-lepidemie-de-cholera-de-1865/

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