Cette extrémité de la baie des Sablettes sur les cartes postales anciennes a souvent été nommée « Plage du Casino » ou « N.-D. de Mar-Vivo ou Mar-Vive ». Pourtant il n’y eut jamais ni d’établissement de jeux ni de lieu de culte. Une chapelle a bien existé dans ce quartier, dédiée à Ste Thérèse, aujourd’hui devenue un restaurant, « la Toquade » et plus récemment « La Chapelle ».

Voici l’histoire de N.-D. de M-V :

1897 : Après Tamaris la station hivernale créée par Michel Pacha* et fréquentée par tous les grands de ce monde, 

« Là où il n’existait que des cabanes de pêcheurs et de sordides bastides, presque le désert, des villas splendides ont poussé comme par enchantement et les bateaux à vapeur y débarquent directement de Toulon, des visiteurs par centaines toutes les heures « . 

Eloge de Charles Poncy dans les années 1889 à l’oeuvre de Michel Pacha

c’est maintenant la station balnéaire des Sablettes qui connait son apogée, le casino fonctionne depuis 1887, le Grand Hôtel des Sablettes a ouvert en 1888 et Mar-Vivo profite de cet engouement…

« Le quartier, jusque-là rural, de Mar-Vivo suivit le mouvement à une échelle relativement plus modeste. Il dut son développement à un propriétaire de l’endroit, M. Hugues Cléry, qui s’attacha à en faire une coquette station ; un boulevard bordé de platanes reliera Mar-Vivo à la route de La Seyne aux Sablettes et portera le nom de ce citoyen novateur. D’autre part, pour répondre aux besoins religieux d’un plus grand nombre d’habitants, sur l’emplacement d’un ancien champ de vignes, et sur l’initiative de l’abbé Camille Vicard, s’élèvera une élégante chapelle, de dimensions quelque peu restreintes, qui sera bénite le 25 mars 1897 par Mgr Mignot, évêque de Fréjus et Toulon...

Enfin, sur la plage même de Mar-Vivo, à son extrémité occidentale, sera construit l’établissement, avec galerie abritée, où les révérends pères maristes de La Seyne conduiront leurs collégiens à la belle saison pour les faire bénéficier des joies saines de la mer.« 

Histoire Générale de La Seyne-sur-Mer de Louis Baudoin


C’est très probablement en 1900 que cet établissement du bord de mer a été construit. Dans les archives de l’I.S.M il y est fait référence pour la première fois dans le bulletin des Anciens de 1901.

20 mai 1900 : Un ancien élève raconte sa visite de Mar-Vive à l’occasion de la Fête des Anciens :

« MAR VIVE! – Voici un nom nouveau, un nom inconnu, et cependant, est-ce l’harmonie du mot, ce nom est plein de charme.
Mar Vive, la maison de campagne des pères est admirablement située. Jugez-en.
Un bateau nous attend dans le port de La Seyne. Le dévouement et l’initiative du Père Econome ont tout prévu. Les élèves, les anciens élèves s’embarquent joyeusement et le bateau lève l’ancre. La fanfare joue « Le Défilé de la Garde Républicaine. » Nous traversons la grande rade. La mer est calme. De leurs petites barques, les pêcheurs qui grattent le fond de la mer avec leurs longues fourchettes recourbées s’arrêtent et nous contemplent avec étonnement : des collèges de jeunes gens se voient assez souvent, mais des collèges d’hommes mûrs, d’officiers, de magistrats !
La pointe de Balaguier est doublée. Voici les charmantes villas de Tamaris; on débarque et l’on continue à pied, traversant les Sablettes, retrouvant les sentiers des promenades d’antan.
De loin, Mar-Vivo a un aspect très humble. Y a-t-il là de quoi inquiéter un ministère ? Un seul rez-de-chaussée, une terrasse élégante mais très simple donnent sur la mer par six arcades. Sur la terrasse une statue de la Sainte Vierge précise la note religieuse. Une grande salle à manger fait suite à la terrasse. Sous la terrasse, six belles cabines pour les bains de mer, à deux pas de la plage, car par temps agité, la mer fait rouler ses flots avec bruit jusqu’au pied de la maison. La fanfare joue successivement « Gouttes de Cristal », « Paris-Belfort », « La St-Cyrienne. » Des rafraîchissements ont été servis sur la plage aux élèves qui sont venus à pied, tandis que nous buvons de la bière sur la terrasse, en contemplant la beauté du paysage. Il nous fallut un effort pour nous détacher de ce coin reposant de Mar Vive. Le mot ne nous avait pas trompés : la chose était pleine d’art comme lui.
« 

sur « L’Institution SAINTE MARIE 1849 1999 » par l’Association des Anciens Elèves

Sur cette carte postale dite « carte nuage » (antérieure à 1904 donc), la plus ancienne connue, l’établissement mariste est déjà implanté, nommé ici « N.-D. de Mar-Vive ». 

« Il semble qu’ils (les sports) soient absents lors de la création du collège. On peut penser que les promenades et les jeux en tiennent lieu. Les promenades prescrites par les hygiénistes du XIX° siècle donnent aux élèves la possibilité de s’aérer. Si on marche en rang par trois, une pause assez longue permet aux élèves de jouer entre-eux. Deux promenades sont prévues chaque semaine. Le premier emploi du temps conservé datant de 1854 en fait mention : les mardis et les jeudis après- midi. Plus tard, le dimanche remplacera le mardi. A ces promenades hebdomadaires, il faut ajouter celles prévues lors des nombreuses solennités religieuses.

A la belle saison, du début juin à la sortie des classes vers le 10 juillet, la promenade du jeudi est remplacée par les bains de mer à Mar-Vivo. De même le mardi, une classe est supprimée pour permettre aux collégiens de profiter des bains de mer, véritable institution, dont il est déjà question au XIX° siècle, puisque lors de leur réunion de 1900, les anciens évoquent non sans émotion leur souvenir de baignade ».

dans » Le Collège des RR PP Maristes à la Seyne 1843 – 1983″ (Lionel Roos-Jourdan)

Sur cette photo, antérieure au bombardement américain du 29 avril 44, la campagne de Mar-Vive est conforme à la description qui en est donnée sur le PV de la 22° A.G de l’ Association des Anciens Elèves du 9 aout 1941  : 

« Un terrain d’une superficie de 800 m2 entièrement clos de murs sur lequel existe une construction consistant en deux terrasses superposées sur un sous-sol à usage de cabines de bains, d’une superficie de 240 m2 et d’une construction  d’un simple rez-de-chaussée d’une superficie de 49 m2, comprenant un hangar et une cuisine. Il existe en outre un puits et un water-closed ».

« (dans le prolongement de la petite église)… « les Maristes avaient fait construire un beau bâtiment destiné à recevoir leurs élèves. Il était équipé de cuisines, de salles de restaurant et même de salles de classes. Au rez-de-chaussée avaient été aménagées des cabines de bain où, très pudiquement, les jeunes gens revêtaient leur costume de plage pour prendre leurs ébats sans exubérance excessive sans quoi, avec les pères surveillants, des sanctions auraient suivi inexorablement. Les collégiens comme on les appelait, étaient généralement des fils de la petite bourgeoisie seynoise, des enfants de commerçants cossus, d’artisans, de médecins, d’ingénieurs, vêtus d’un costume bleu marine à boutons luisants, coiffés d’une belle casquette avec galon doré ce qui faisait dire aux gens de condition modeste dont j’étais que ces collégiens seraient un jour des officiers de marine…

Ces collégiens ne pouvaient quitter le coin de Mar Vivo pendant leurs baignades. Ils étaient tenus de rester devant les locaux de l’Institution Sainte-Marie où après le bain, un goûter leur était distribué.

Durant les chaleurs de l’été, au moins une fois dans la saison, les Pères Maristes alors en robes noires, les rassemblaient sur la plage pour déguster une bouillabaisse préparée sur place. Pour les gens du quartier c’était bien sûr un spectacle d’animation que de voir des centaines de jeunes gens assis sur le sable, recevoir dans leur gamelle, un bouillon puisé dans un immense chaudron dont l’arôme appétissant flottait sur tout le rivage.

Le repas terminé les pères exigeaient la plus grande propreté sur les lieux du festin et les élèves repartaient en colonne par trois vers La Seyne en passant par le vieux chemin des Sablettes »

Marius Autran sur Images de la vie seynoise d’antan – Tome VI (1997) : L’Isthme des Sablettes au fil du temps 

Souvenir d’un élève :

« Avenue de Mar-Vivo », dit la plaque d’émail bleu. « Notre-Dame de Mar-Vive » répond l’inscription au linteau de « notre maison de campagne ». Le varech a envahi la plage. La préfecture des classes, montée sur une bette (lisez bien) joue au « Lac », « berçant son Infini, sur le fini des mers ».

La sirène… préfectorale retentit : chemises au vent. Deuxième sirène, l’assaut traditionnel, sous l’œil inquiet, puis curieux de la population… plagiaire. Un organe féminin murmure non loin de moi :

« Dis donc, Fiacre, ce que j’ai eu peur ! Je crois que la mer monte ! » C., qui chronomètre, émet soudain des signes d’inquiétude. : il y a de quoi : Le bain dure 14 minutes un quart (dire que le chroniqueur de 1934 constatait à la même date : « Fait sans précédent dans les Annales : le bain dura 9 minutes et demi ».

Où allons-nous ? Il est vrai que je n’ai pas tardé à avoir le fin mot de l’affaire : on recherchait, là-bas, autour de la susdite bette, le préfectoral sifflet, chu, par mégarde, au sein de la « mer inféconde » (est-ce un moderne méfait des Sirènes ?) Quinze minutes plus tard, un « Deo gratias » munificent et… supérieur descend des arcades de N.-D. de Mar-Vive sur la fatidique Bouillabaisse… 

dans « Arêtes et plongeons » 4-6 Juin sur ENTRE NOUS de 1935

Pendant la guerre de 1914-1918, il y eut bien sûr une désaffection de ces activités balnéaires qui reprirent dans l’entre-deux guerres.

« On attend avec impatience que débouchent de Saint- Elme les « pointus » des pêcheurs sur lesquels monteront les surveillants de la baignade. Ils arrivent enfin. Le Père Préfet et un autre Père embarquent dignement chacun dans une barque et vont stationner le long d’une ligne virtuelle que les nageurs ne devront pas dépasser sous peine de coups de sifflet stridents. Au coup de sifflet, tout le monde se précipite à l’eau pour une baignade d’une dizaine de minutes, durée qui augmentera au cours de la saison. Un nouveau coup de sifflet : il faut sortir de l’eau. Dire que l’on obtempère rapidement serait mentir, mais gare au moins 10 de discipline pour les traînards ».

« 1900 : Bains de mer »

Au troisième trimestre, les fêtes de l’ouverture et de la fermeture de la saison des bains de mer sont l’occasion de déguster la bouillabaisse sur la plage. En 41 un surveillant note sur son petit carnet :

« Il y a encore des algues. Pas de bouillabaisse; un petit goûter (fromage, cerise) »

La tradition des bains bi hebdomadaires reprend le 12 juin. La maison de Mar-Vivo, devenue en 1944 un fortin camouflé du mur de la Méditerranée est, bien sûr, inhabitable…mais les célèbres maillots noirs à jupette descendant aux genoux sont toujours de mise, (bien que depuis les années 25-30 la tenue des baigneurs et des baigneuses était devenue plus légère ; les costumes de bain de nos mères boutonnés jusqu’au cou, les culottes longues jusqu’au-dessous des genoux avaient disparu. Des maillots en deux pièces apparurent ; les hommes pouvaient se montrer en caleçon très court et torse nu, tenue interdite avant la guerre). Pendant cette période, les classes du mardi après-midi sont allégées et se terminent à 15h40. L’étude du jeudi est avancée à 13h30. A 15h45, on se met en route  » Pedibus cum jambis . » Les unes après les autres, les divisions arrivent à Mar-Vivo, s’installent à partir de l’extrémité de la plage et s’étendent bien au-delà de la maison des Pères maristes. La tenue de bain, grand maillot noir intégral avec larges bretelles et jupette est l’objet de plaisanteries. On en tourne le ridicule en défi. 

En juin 45 on peut lire, toujours sur le même carnet : « Congé d’ouverture des bains de mer, Pour le goûter, le père économe fera…ce qu’il pourra »

« ….Comme de coutume l’eau est exquise . La bouillabaisse est encore au fond de l’eau et les fruits de la terre remplaceront pour une fois ceux de la mer  » écrit le Père Bouvet avec un lyrisme rare chez lui.

Le 31 mai 1946, lors de la 28ème A.G de l’Association des Anciens Elèves, est évoquée la démolition de l’immeuble de Mar-Vivo, conséquence des éclats de bombes lors bombardement américain du 29 avril 1944.

Lors du Conseil d’Administration du Samedi 14 Septembre 2002, le Père Roberton, supérieur de l’établissement, terminera son exposé en donnant quelques précisions sur la situation actuelle de la villa de Mar-Vivo dont l’Association Immobilière est propriétaire. Des photos montrent ce qu’était cette propriété avant la démolition effectuée par les occupants italiens en 1942. La propriété actuelle a été construite par l’entreprise de la « Grande Bleue « .

Elle sera achevée en 1975. La Villa ne sera jamais habitée et servira de centre de réunions diverses à toutes les Maisons Maristes de la région.

La suite est une autre histoire…

L’explication de l’appellation « plage du casino » est racontée ici :

Sources :

Eloge de Charles Poncy dans les années 1889 à l’oeuvre de Michel Pacha

Histoire Générale de La Seyne-sur-Mer de Louis Baudoin 1965

« L’Institution SAINTE MARIE 1849 1999″ par l’Association des Anciens Elèves

 » Le Collège des RR PP Maristes à la Seyne 1843 – 1983″ (Lionel Roos-Jourdan)

Marius Autran sur Images de la vie seynoise d’antan – Tome VI (1997) : L’Isthme des Sablettes au fil du temps 

Entre Nous (revue mariste 1935)

Archives I.S.M

Archives laseyneen1900.fr

Mise en forme PdP pour 3aism.fr et laseyneen1900

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