Raphaël Dubois (1849-1929) : de la pharmacie à la bioluminescence.


Portrait Musée d’histoire de la médecine et de la pharmacie Lyon1

Raphaël Dubois, pharmacien, médecin, professeur à la Faculté des sciences de Lyon, était surtout un physiologiste ayant une culture pluridisciplinaire allant de la biophysique à la biologie marine. Il obtint la création, sur un terrain de 2700 m2, don de Michel Pacha*, d’un laboratoire de physiologie maritime à Tamaris établi dès 1890 dépendant de la chaire de physiologie, un avantage certain par rapport aux autres universités. Le conseil municipal vote une subvention de quinze mille francs pour aider à la création des bâtiments de la dite station (24 juin 1889).

De plus dans ses demandes de subvention aux collectivités territoriales Dubois mettait en avant des objectifs de recherche en direction de la production régionale, dont la sériciculture :

« cet organisme amphibie peut rendre autant de services à l’agriculture, à l’horticulture, à l’élevage du ver à soie, etc, etc… qu’à la pisciculture et à l’ostréiculture. » (1890).

Dès 1883 il s’était remis à l’étude expérimentale de la bioluminescence, dont il avait élucidé le mécanisme, plus de trente ans auparavant, en montrant qu’elle était généralement due à l’action d’un « ferment » (une enzyme), la luciférase, sur un substrat particulier, la luciférine, en présence d’oxygène et de certains éléments organiques et minéraux (Dubois, 1884 ; 1885 ; 1896).

En 1900 à l’Exposition Universelle de Paris, Raphaël Dubois présenta la lampe à bactéries lumineuses, ce qui lui vaudra une médaille d’or.

Université de Lyon, laboratoire de biologie de Tamaris sur mer

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Dès 1900, Dubois avait tenté de cultiver les huîtres perlières et de provoquer l’apparition des perles. Pour ce faire, il avait mis à profit ses installations de la baie de Tamaris : devant le laboratoire, il avait réussi à aménager, avec le concours de la Marine, un bassin d’expériences de 400 m2 et un parc d’essai de 2 400 m2. Dans le bassin, il pouvait réaliser un certain nombre d’expériences sur la culture de l’huître perlière et la production forcée des perles fines. Il put faire reproduire l’huître perlière de Ceylan, Margarifera vulgaris , et obtenir chez ses sujets « un grand nombre de perles d’un très bel orient » malheureusement trop petites pour avoir une valeur commerciale. 

Il existait dans la baie du Lazaret, devant le laboratoire, des colonies importantes de Pholade dactyle, une espèce intéressante pour l’étude de la biophotogenèse (en 1892), étude qu’il poursuivra sur les organismes marins (avec le soutien de la Caisse des recherches scientifiques), à Tamaris presque jusqu’à sa mort en janvier 1929 (et aussi sur d’autres espèces animales comme le pyrophore, la luciole, etc)…

Raphaël Dubois dans la salle des collections
Photo extraite de Regards sur l’histoire de La Seyne-sur-Mer N° 9
« L’institut Michel Pacha Une station maritime à La Seyne-sur-Mer » par Gérard Brichon Directeur de l’Institut Michel Pacha

Les archives de l’Institut biologique de Lyon Michel Pacha actuellement conservées aux Archives départementales du Var représentaient plus de trente-cinq mètres linéaires, sans compter les collections documentaires évaluées à quatre-vingt-deuxmètres linéaires.
Dans la bibliothèque se trouvaient les archives scientifiques de Raphaël Dubois, qui avaient été précieusement mises en boîtes ainsi que ses cours (neuf mètres linéaires).
Dispersés dans plusieurs pièces du premier étage, il y avait quarante mètres linéaires de thèses et mémoires réalisés sous le patronage de l’Institut. 
Dans le bâtiment annexe, étaient restés les dossiers et les revues scientifiques de l’époque de Gabriel Pérès : vingt-cinq mètres linéaires.
(Sources Archiviste Pascale Bugat)

En 1901 Dubois est honoré de la visite à l’Institut maritime de biologie Michel Pacha* du ministre de la Marine (et député du Rhône), Jean-Marie Belloguet de Lanessan, un de ses collègues médecin de la Marine, botaniste et agrégé d’histoire naturelle à la faculté de médecine de Paris.

En 1912 Henri Marchand son assistant fit sa thèse de doctorat ès sciences sur les moyens permettant l’engraissement des moules par l’action sur leur fonction glycogénique ainsi que par les effets de la salinité sur leur métabolisme glucidique, thèse dont la soutenance fut retardée à cause de la guerre qui interrompit aussi les nombreux essais de culture sur les moules, les autres coquillages comestibles, les crustacés, les poissons et les homards.

 En 1916 Dubois rappelle les travaux de Victor Coste qui s’était inspiré des exemples italiens, dont les pêcheurs d’huitres avaient tiré bénéfice. Prenant l’exemple de l’ostréiculture pouvaient se développer la pisciculture, la mytiliculture, l’homariculture, la spongiculture, bref, tout ce que l’on pouvait regrouper sous le nom de « thalassiculture ».

Au plan pratique, les recherches entreprises par Dubois n’ont guère été couronnées d’un succès immédiat, tant en ce qui concerne la spongiculture, la pisciculture ou la production des perles que pour la réalisation des lampes bioluminescentes (dans une époque où les industriels français, pas plus que l’état, n’avaient coutume de financer des recherches de physiologie appliquée…)

Seule exception, peut-être, il contribua à perfectionner la culture des moules dans la rade de Tamaris, pratiquée à grande échelle par un mytiliculteur de La Seyne, René de Jouëtte* dont la participation en 1889 à l’exposition internationale de Paris lui vaudra la médaille d’argent pour toutes ces inventions, en particulier pour son radeau flottant de 1260 m2 (une installation de 408 compartiments, propice à l’engraissement des huîtres) et pour sa technique de recueil du naissain mise au point en Corse.

Exposition Universelle de Paris 1889
Raphaël Dubois en médaillon (par Georges Lemaire Institut maritime de Biologie Michel Pacha)

il finit ses jours à Tamaris où il s’éteignit le 21 janvier 1929. Authentique et fécond biologiste et physiologiste, assez oublié dans notre pays,…Les archives de Raphaël Dubois sont révélatrices d’un homme de sciences qui fut non seulement, comme le qualifiait Gabriel Pérès, « un précurseur », « un savant à l’imagination fertile », mais aussi un humaniste et un philosophe au même titre que Léonard de Vinci, Pascal, Teilhard de Chardin ou, plus tard, Paul Langevin.

Raphaël Dubois reste néanmoins mondialement reconnu comme l’initiateur de la bioluminescence.

Sources

Voyage d’exploration sur le littoral de la France et de l’Italie (Victor Coste, 1855)

Rapports du Jury international, vol. 8 à 9 de Paris (France). Exposition universelle de 1889

La revue maritime et coloniale vol.123 (1894)

Bulletin des pêches maritimes de la revue maritime et coloniale (M. Vinson sous-commissaire de la marine, septembre 1894)

Les procédés actuels de la mytiliculture en France (H.F.A. Marchand 1915)

-« Raphaël Dubois, de la pharmacie à la bioluminescence » (Jacques Poisson 2010)

La physiologie appliquée dans les stations maritimes françaises de biologie entre 1880 et 1930 et les recherches de Raphaël Dubois à Tamaris (Christian Bange 2011)

« Victor Coste et la révolution aquatique du XIXe siècle » (Olivier Levasseur 2014)

-« Lumière planctonique, émission de lumière par le vivant » (Frédérik Chevallier 2016)

Les archives de l’Institut Michel Pacha ou l’occasion, pour une archiviste, de découvrir un scientifique humaniste. (Pascale Bugat 2014)

www.archives.la-seyne.fr/documents-numerises/registres-de-deliberation n°346

Mise en forme PdP pour LaSeyneen1900

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