Ce moulin à huile se trouvait dans la rue du séminaire, l’actuelle rue Etienne Prat (du nom d’un médecin seynois Etienne Prat* ). Actuellement le local sert d’entrepôt aux Caves provençales.

C’est donc l’occasion de s’intéresser au sieur Paulin Gros*, né à La Seyne en 1825, chef mécanicien aux Messageries Maritimes, âgé de 40 ans, inscrit au tribunal de commerce de Toulon en 1865 pour son exploitation d’une « usine à vapeur destinée à l’extraction des huiles d’olives, de grignons et de graines oléagineuses de toute nature », sise rue séminaire, l’actuelle rue Etienne Prat, et donnant sur la rue de l’hôpital (la rue Clément Daniel aujourd’hui, du nom d’un autre médecin seynois, le Dr Clément Daniel*). 

-En 1845 : On dénombrait alors 4 moulins à huile à La Seyne dont les moteurs étaient des chevaux ou des mulets. 16 travailleurs hommes y étaient recensés. (1)

Un moulin à huile était recensé au 10 de la rue du petit filadou, « le petit cours », actuelle rue Marius Giran, appartenant à M. François Prat.

-En 1865 : Le 6 Juillet : Paulin Gros chef mécanicien aux Messageries Maritimes âgé de 40 ans fait l’acquisition de tout l’angle N.E de l’îlot* : cour, magasins, cabanons, le moulin à huile et la bâtisse « qui servait autrefois de chais », (Vendeurs : Romain Denans et jean Joseph Sénès* dont il sera question infra).

« … La dite cour avec magasin ou cabanon, le dit moulin à huile et la dite bâtisse qui servait autrefois de chaix confrontent ensemble -du levant la dite rue Séminaire -du midi Coupini et une maison appartenant au dit M Senès -du couchant la dite rue du Saint Esprit -du nord la dite rue de l’hopital et autres confronts plus vrais s’il en existe. » (2)

Superposition 1827/2019

-En 1865 : Le 28 Octobre : inscription au tribunal de commerce de Toulon des statuts de la société « Gros et Emile Nègre » en vue de l’exploitation d’une usine à vapeur destinée à l’extraction des huiles d’olives, de grignons et de graines oléagineuses de toute nature. Siège de la société rue séminaire.

Emile Nègre propriétaire : 1838-1915, « Négociant / Rentier ». Son père Noël est Négociant en grains et Commissaire priseur…

Retour sur l’activité de M. Paulin Gros* (voir le Quadrilatère Germain Loro*)

Ce moulin à huile, dont les vestiges subsistent encore, avait appartenu à Jacques André Sénès* propriétaire et gérant de la compagnie des bateaux à vapeur de la Seyne à Toulon, dont ce témoignage d’un visiteur en 1840 est le souvenir :


« il ne nous faudra que peu de temps pour parcourir ses rues passablement alignées, son petit cours, son large quai, pour visiter sa jolie église, son ancien couvent de capucins, dont les bâtiments servent de petit séminaire , son hospice non loin d’une vieille chapelle de pénitents, son moulin à blé (en fait à huile N.D.L.R.) mu par la vapeur, son chantier de construction pour des bâtiments de commerce. Un service régulier entre Toulon et la Seyne est établi au moyen des bateaux à vapeur qui partent d’heure en heure chargés plus ou moins de passagers et de menues denrées. » 
(3) 

On voit encore aujourd’hui les chapelles de pressage du moulin à huile de M. Paulin Gros, enchâssées dans la maçonnerie du rez-de-chaussée (appelées chapelles à cause de leur forme en croix).

La Seyne, simulation à partir des chapelles toujours visibles

Le « pressoir à chapelle » apparaît au XVIIIe siècle et son principe est une pression exercée directement par la vis sur les scourtins, ces filtres circulaires réalisés en fibres végétales, en jute ou en coco emplis et empilés de pâte d’olives préalablement écrasées par les meules de pierre (pendant l’opération du détritage). Ces disques en fibre synthétique sont percés au centre de manière à pouvoir les enfiler sur l’aiguille centrale.

Afin de lutter contre les forces de résistance au moment du pressage, les pressoirs étaient directement encastrés dans le bâti. 
Ce système s’appelle « pressoir à chapelle » à cause de la forme en croix que l’on donnait à la structure servant à maintenir la vis en place.

Moulin du Piquet à Cotignac
Magnifique chapelle à double pressoir de l’ancien moulin à huile de Lourmarin.

Les deux photos qui suivent ont été prises par M. Paulin Gros « exploitant d’une usine à vapeur destinée à l’extraction des huiles d’olives, des grignons et des graines oléagineuses de toute nature », inscrite au tribunal de commerce de Toulon en 1865, un moulin à huile situé à La Seyne sur Mer, occupant toute la partie Nord-Est de l’îlot, et aimablement fournies par André et Renée Lieutaud, descendants d’employés à la société Paulin Gros » à M. Jean-Claude Autran qui les partage non moins aimablement.
(optimisation numérique PdP)

En 1911, rue Etienne Prat il y a « la maison Gros » où habite un surveillant, Charles Curtier (venant de Trinita), qui vit avec sa famille, peut-être sur cette photo…
A l’intérieur de la bâtisse, accroché à un mur, un Christ de bois « qui a toujours été là ». Peut-être venait-il de la chapelle du saint-Esprit qui faisait face au moulin…

L’extraction se faisait par pression donc, méthode ancienne qui sépare le moût d’huile du grignon, matière faite de résidus solides : peaux, résidus de la pulpe et fragments de noyaux résultant de l’extraction d’huile (les résidus liquides étant dénommés margines). L’huile était récupérée à genoux, à l’aide de 2 instruments : une casse, sorte de casserole de 2 litres en fer blanc et une feuille en forme d’assiette incurvée pour récupérer le restant de l’huile à la surface de l’eau. 

  • L’ Oulivaire cueillait les olives qu’on laissait reposer plusieurs jours afin qu’elles s’échauffent et fermentent avant d’être portées au moulin.
    Les olives sont d’abord écrasées en pâtes grâce aux meules de pierre, l’une roulant sur l’autre posée à plat. C’est le détritage. Cette extraction se faisait par pression, méthode ancienne qui sépare le moût d’huile du grignon.
     » Pour obtenir le plus grand résultat dans la fabrication des huiles, il faut que la pâte des olives soit parfaitement broyée ; que la pression soit lente et sûre ; que la troisième opération consistant à échauder la pâte, après avoir de nouveau divisée, ne laisse rien à désirer.  » 
    (4)
    Le dispositif utilisé pour la construction de la pile consistait en un plateau circulaire en acier au bord légèrement relevé et profilé, monté sur un chariot pour la manutention. 
    Au centre du plateau était inséré un cylindre creux (dit aiguille) qui avait pour objet de maintenir la pile en position verticale et favoriser l’écoulement du moût d’huile également le long de l’axe central de la pile. La construction de la pile respecte un ordre standard. 
    Sur le premier scourtin, posé sur le fond du plateau, on disposait une couche de pâte épaisse de 3 cm, on superposait un second scourtin et une seconde couche de pâte et ainsi de suite.
    Toutes les trois couches de pâte, on superposait un scourtin sans pâte et un disque d’acier afin de répartir la pression uniformément. 
    Globalement on construisait une pile formée par la superposition de 60 scourtins alternés avec 60 couches de pâte, 20 disques d’acier et 20 scourtins sans pâte. La quantité de pâte employée correspondait à un lot d’olives écrasées à la meule (2,5 à 3 quintaux). 
    On empilait ainsi successivement les scourtins et les couches de pâte d’olives (grignons bruts). Les plus larges pouvant contenir environ 50 kg de grignons. Dix scourtins (500 kilos d’olives) donnaient alors environ 120 litres d’huile et 40 litres de margines (eaux de végétation). 
    L’huile et les margines étaient séparées par un système de centrifugation.
    Toute l’opération de chargement d’une presse se faisait à la main.
    Chaque pressoir possédait un écoulement où l’eau et l’huile étaient recueillies dans un bassin de décantation en pierre.
    L’huile était entreposée dans les jarres du moulin, prête à la redistribution. 
    Elle était transvasée à l’aide d’estagnons en fer blanc.
  • Le Palejaire tirait la pâte ainsi obtenue pour en remplir des paniers et replaçait de nouvelles olives.
  • Le barrejaire manoeuvrait au pressoir les leviers de bois de hêtre ou de sorbier en alternant pâte d’huile et scourtins (les disque de fibres) afin d’obtenir la précieuse huile par pression verticale des disques jusqu’à ce que la pâte devienne un résidu.

 » Au premier effort du pressoir, au premier tour de vis, l’huile commence à couler. C’est la meilleure, c’est l’huile vierge. On peut même en recueillir déjà une petite portion avec des cuillers plates dans le cuvier où séjourne la pâle avant d’être mise en sacs. Il faut presser avec mesure, et laisser la pâte au repos après trois ou quatre tours de vis. 
Enfin on presse à toute force : on donne à cette seconde huile le nom d’huile de pâte, et dans quelques localités on distingue même celle qui est obtenue à pression moyenne de celle qui s’écoule à toute pression. Une quatrième sorte d’huile est obtenue de la même pressurée, en arrosant à la fin d’eau bouillante la colonne des sacs. On la récolte à part dans des seaux spéciaux.
 » 
(5)

Les dérivés du pressage des olives étaient utilisés pour différents usages. 
Souvent le paysan payait le meunier en lui laissant la troisième huile et le marc qu’on pouvait encore tirer de ces résidus de pâte. 
Ce marc était très recherché tout comme cette troisième huile, pour la fabrication du savon* car il était très riche en potasse. 

La peau et la pulpe pressées une seconde fois à chaud produisaient de l’huile de recense qui était revendue aux savonneries.
L’huile d’olive pour la savonnerie s’obtenait par ce système de la recense consistant à recueillir le liquide contenu dans la matière restant après le premier pressage destiné à l’huile alimentaire. 
Cette matière nommée Grignon noir est constitué d’éclats de noyaux, de peau des olives et de la pulpe contenant des restes d’huile de la première pression. 
(6)
L’huile de recense est une huile qu’on obtient en pressant les grignons (mélange de noyaux d’olive et de pulpe déjà pressée), après leur mélange avec de l’eau bouillante. “On obtient les savons durs, à Marseille, en saponifiant par la soude les huiles qu’on désigne sous le nom de recense”.

Sur le blog de Jean-Claude Autran existe un témoignage de l’existence d’un terrain de la recence (quartier Peyron/Muraillette) où les charretons chargés des grignons des olives de Paulin Gros étaient portés pour, à l’aide d’eau bouillante, y extraire la dernière huile, qui était expédiée à Marseille pour y réaliser le savon. Plus tard à ce même endroit il y eut une usine d’arséniate de plomb (Paul Fabre & Cie).

Jusqu’en 1956, le grignon blanc (des noyaux lavés à l’eau de source) était vendu aux meuniers qui en faisaient une farine revendue aux boulangers. Cette farine s’appelait « la fleurette », elle disparaissait à la cuisson et évitait aux boulangers d’avoir à brosser le dessous …

…où l’on retrouve la Chapelle des morts* 1861/62 : Notre ami Paulin Gros le négociant en huiles de la rue séminaire future Etienne Prat n’obtient pas la concession d’une huitrière qu’il prévoyait à l’ouest du parc de La Chapelle des morts…(futur emplacement de l’atelier des turbines), pas plus que le Dr Chargé*. C’est René de Jouëtte* qui y réussira, mais ceci est une autre histoire…

Biographie de Paulin Gros*

La fabrication du savon*dans la région

Sources des articles sur le moulin à huile :

1- Renseignements statistiques sur l’industrie, archives départementales 2-recherche Ludivine Rembobine 3-Promenades dans Toulon ancien et moderne dédiées aux Toulonnais. Par H. Vienne , archiviste de la Ville de Toulon, 27 décembre 1840 4-Dissertation sur les moulins à huile, ou L’art de fabriquer les huiles d’olives réduit à ses vrais principes, Jean-Pierre-Peyron – 1811 cité par http://randojp.free.fr/ 5-Olivier, histoire, botanique, régions, culture, produits, usages, etc. – M. Coutance – 1877 cité par http://randojp.free.fr/ 6-André Peyregne Var-Matin (La guerre du savon)
Archives du Var
Jean Debout Var-Matin (La bonne huile d’olive)
M. Coutance (Olivier, histoire, botanique, régions, culture, produits, usages, etc.1877) 
Les moulins à huile d’olive en Provence (http://randojp.free.fr/)
Des moulins à huile dans le Var et en Provence (http://randojp.free.fr/)
huile_olive_naturalite_savez_vous_parler_huile_olive
(https://blog.tramier.fr/tramier)
huile_olive_les_vieux_moulins_a_huile_episode_1_le_var 
(https://blog.tramier.fr/tramier)
Extraction_de_l’huile_d’olive et antiques_méthodes_d’extraction 
(https://fr.wikipedia.org/wiki)
Lou trésor dóu Felibrige
Les deux photos des ouvriers du moulin seynois : Photos prises par M. Paulin-Gros, et aimablement fournies par André et Renée Lieutaud, descendants d’employés à la société Paulin-Gros », partagées par J-C Autran (http://jcautran.free.fr/forum/histoire_de_la_seyne.html) Geneanet Wikipédia

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